
Une nouvelle réunion du
Forum social européen
(FSE) va se tenir à
Londres, du 14 au 17
octobre prochains. Ce rendez-
vous des organisations
« altermondialistes » aura
lieu, cette année, alors que,
dans toute l’Europe, les gouvernements
ont lancé la
campagne pour la ratification
du projet de « Constitution
» européenne.
Quelle sera la position du
FSE ? ATTAC, association
qui est l’un des principaux
organisateurs du Forum
social européen, a pour l’instant
choisi… de ne pas se
prononcer, se réfugiant derrière
la consultation de ses
adhérents, dont le résultat ne
sera révélé que le 11 décembre
prochain, dans trois
mois.
Trois questions seront
posées aux adhérents :
« 1. Etes-vous pour ou contre
la ratification du traité constitutionnel
?
2. Souhaitez-vous qu’ATTAC
s’engage dans la campagne et
donne une consigne de vote ?
3. Dans ce cas, laquelle ? Oui,
non, abstention, nul , blanc »
(compte rendu du bureau
d’ATTAC du 31 août 2004).
Autrement dit, est ouvertement
envisagée la possibilité
de ne pas se prononcer, et
même d’appeler à voter pour
le projet de « Constitution »
européenne. En tout cas, le
choix de cette option est
considéré par la direction de
cette association comme
compatible avec l’appartenance
à ATTAC. Quel que
soit le sort de cette « consultation
», elle nous renseigne déjà
sur la nature des mouvements
« altermondialistes » et de
leurs « forums sociaux ».
YAN LEGOFF (semaine du 15 au 21 septembre 2004 - n°658)
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Le 20 septembre, à l’invitation
des présidents Chirac et Lula,
près de 50 chefs d’Etat se sont
réunis à New York pour un
« sommet sur le développement
» à l’ONU.
C’est à cette occasion que
Jacques Chirac a prononcé son
fameux discours, qualifié
d’ « altermondialiste » par Le
Figaro.
Cette conférence avait été préparée
par une commission de
travail mise en place par
Jacques Chirac (dont on lira la
composition dans notre encadré).
A deux semaines du Forum
social européen (FSE) de
Londres, nos lecteurs seront
intéressés d’apprendre que tous
ses organisateurs se sont félicités
de cette rencontre et de ses
conclusions.
Le rapport produit par
cette commission — qui
a servi de base au discours
de Jacques Chirac —
énumère plusieurs propositions,
taxes à vocation
environnementale, taxes
additionnelles sur les sociétés,
taxes sur les ventes d’armement
et surtout « taxes sur
les transactions financières ».
Mais il précise immédiatement que ces taxes « ne sont
pas étudiées dans une optique
de lutte contre la spéculation,
mais dans une optique de
financement. Il s’agit donc de
taxes à taux suffisamment
faibles pour ne pas perturber le
fonctionnement des marchés. »
LUTTER CONTRE
LES INÉGALITÉS
SANS TOUCHER
À LA SPÉCULATION,
AUX FONDS
DE PENSION...
BREF, AU
CAPITALISME ?
Les choses sont donc clairement
dites : il ne s’agit pas de
lutter contre la spéculation ni
de gêner les marchés.
C’est ainsi que le rapport
considère que « la croissance
réduit certes la pauvreté. Mais
la pauvreté est aussi un obstacle
à la croissance. » Son
objet vise donc à aider au
bon fonctionnement de
l’économie : moins de
pauvres signifie plus de
« consommateurs ».
Mais les faits sont là : la
« croissance » dont parle ce
rapport se limite à la croissance
de la spéculation, des
bénéfices, et à un appauvrissement
de la grande masse
de l’humanité livrée à la
famine, aux guerres, à la précarité,
au chômage.
Mais de cela, les auteurs du
rapport n’en ont cure : « On
peut aussi avoir plusieurs
objectifs : corriger les externalités
négatives générées par
certaines activités économiques,
moraliser la vie internationale,
redistr ibuer les
revenus et lutter contre les
inégalités. » Lutter contre les
inégalités sans toucher à la
spéculation, aux fonds de
pension, aux délocalisations,
bref, au capitalisme ? Ah
bon...
Le rapport vise donc à
« moraliser » le capitalisme. Il
« est le fruit de débats et
réflexions communes entre
personnalités d’horizons
divers et de sensibilités différentes.
Aucune n’est en désaccord
avec l’approche générale
et la philosophie du rapport. »
Ainsi, les représentants
d’OXFAM et d’ATTAC,
organisateurs du FSE de
Londres, partagent la « philosophie
du rapport » et le
disent explicitement dans un
communiqué d’ATTAC du
21 septembre. Ils écrivent :
« Lors des rencontres qui ont
eu lieu avec le président de
République pour préparer le
G 8 à Evin, les associations
civiles, dont ATTAC, avaient
indiqué à Chirac qu’il serait
bien avisé de provoquer une
réflexion (...). Cette demande
a porté ses fruits. Jacques
Chirac décidait de créer un
groupe de travail (…).
ATTAC a été invitée à se
joindre à ce groupe de travail.
C’est le secrétaire du conseil
scientifique, J. Cossart, qui a
été désigné. »
Et ATTAC de publier la
conclusion de Cossart : « Mon
premier étonnement et ma
grande satisfaction est de
constater que ce groupe si
divers est arrivé à un constat
unanime : la mondialisation actuelle provoque une croissance
considérable des inégalités
dans de très nombreux
domaines. Face à ces conséquences
dommageables et
dangereuses, et pour mobiliser
les ressources capables d’y
remédier, une fiscalité internationale
est possible et nécessaire.
»
Ainsi, les principaux
organisateurs et financiers du FSE, les altermondialistes
qui « luttent » contre le capitalisme
se retrouvent avec
Chirac, celui-là même qui
casse les retraites et la Sécurité
sociale…
Cela ne donne-t-il pas déjà
une idée de l’objectif du prochain
FSE ?
LUCIEN GAUTHIER (semaine du 29 septembre au 6 octobre 2004 - n°660)
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On y trouve :
- Kevin Watkins, directeur de la recherche chez
OXFAM (l’une des plus grandes ONG au monde, organisateur
du Forum social européen en octobre à Londres) ;
- Anne Lauvergeon,
ex-conseillère de Mitterrand et aujourd’hui présidente
d’Areva, et plusieurs autres patrons (Suez, Crédit lyonnais) ;
-
Fleming Larsen, directeur européen du FMI, et... J. Cossart,
membre du conseil scientifique d’ATTAC.
Altermondialistes, représentants des patrons, directeur du
FMI, tous ensemble…
(semaine du 29 septembre au 6 octobre 2004 - n°660)
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Dans deux semaines, se tiendra, à Londres, le Forum social européen (FSE). Il semble que la perspective d’adoption de la « Constitution » européenne provoque quelques remous.
Decarro, ancien responsable
syndical suisse et
représentant son pays
au comité d’organisation,
explique : « Je perçois au sein
du FSE des contradictions
importantes sur des questions
fondamentales (…). Ce n’est
pas un hasard si la dernière
assemblée préparatoire s’est
déroulée dans les locaux de la
CES (…). La CES s’est prononcée
en faveur de la Constitution
européenne. D’autres acteurs altermondialistes du
continent, eux, s’y opposent. »
ATTAC PRENDRA
POSITION
UN MOIS ET DEMI
APRÈS L’ADOPTION
PAR LES CHEFS
D’ÉTAT...
Dans ce FSE, les « altermondialistes
» vont donc « lutter »
ensemble pour et contre la
« Constitution » européenne.
Apparemment, personne ne souhaite que cette question
soit à l’ordre du jour du
FSE, au point d’être totalement
absente de la plaquette
de présentation du FSE.
Dans une lettre à ses membres,
le bureau d’ATTAC
écrit : « Le bureau d’ATTAC
souhaite repréciser les raisons qui
ont conduit le conseil d’administration
à organiser une consultation
de l’ensemble des adhérents
sur le traité constitutionnel européen.
Les réactions de plusieurs
adhérents et de comités, ainsi que
les échanges entre eux sur la liste
locale et sur celle de la commission
Europe rendent cette clarification
nécessaire. »
Explication pour le moins
embarrassée.
Rappelons qu’ATTAC
s’était adressée à la convention
de Valéry Giscard d’Estaing
avec des propositions
de modifications et d’amendements
— les « 21 exigences
» — dans l’objectif de
rendre plus « sociale » la
« Constitution ». Dans sa circulaire
du 28 septembre,
ATTAC précise :
« Il va de
soi que le conseil d’administration
s’exprimera officiellement
sur le référendum, mais cette
expression tiendra compte des
résultats de la consultation de
tous les adhérents. Le prochain
numéro de Ligne d’ATTAC
indique le calendrier de cette
consultation — dont les résultats
seront proclamés à l’occasion de l’assemblée générale du
11 décembre — et ses modalités.
Les assises du 12 décembre
permettront d’analyser ces
résultats et de débattre sur la
manière de les faire prendre en
considération par le CA. »
Bref, ATTAC prendra donc
position officiellement les 11
et 12 décembre, soit un mois
et demi après l’adoption par
les chefs d’Etat de cette
« Constitution », deux mois
après le comité exécutif de la
CES, les 12 et 13 octobre, et
près de deux mois après le
FSE qu’ATTAC coorganise
avec la CES, et qui se gardera
de prendre position.
LUCIEN GAUTHIER (semaine du 7 au 13 octobre 2004 - n°661)
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POINT DE VUE
Jacques Nikonoff, président
de l’organisation non
gouvernementale ATTAC,
vient d’écrire à Jacques Chirac
pour le féliciter de son initiative à
l’ONU à propos de la taxation
des marchés financiers. On peut
être surpris du ton de cette lettre.
« Monsieur le Président de la République,
au nom de l’association
ATTAC, je tiens à saluer l’initiative
que vous avez prise avec les présidents
de la République du Brésil et de
la République du Chili, et avec le
président du gouvernement espagnol,
en présentant, le 20 septembre dernier,
aux Nations unies, un plan de
lutte contre la faim financé par des
taxes globales.
Nous avons participé activement au
groupe de travail que vous aviez
accepté de créer à notre demande et
qui, présidé par M. Jean-Pierre Landau,
a élaboré des propositions en
matière de fiscalité internationale.
Nous avons beaucoup apprécié la
manière dont ce groupe a été animé
et la totale liberté avec laquelle nous
avons pu faire valoir nos points de
vue. Nous retrouvons une bonne
part de nos préoccupations dans les
conclusions du rapport qui vous a été
remis en septembre dernier. »
Rappelons que parmi les
membres qui composaient cette
commission figuraient le représentant
du FMI en Europe, Anne
Lauvergeon, présidente d’Areva,
et plusieurs autres patrons, ainsi
qu’un représentant du conseil
scientifique d’ATTAC. Le rapport
avec lequel Nikonoff marque
son accord précise que cette taxation
ne doit « pas perturber le fonctionnement
des marchés ».
Mais, dans ce même courrier au
président de la République,
M. Nikonoff exprime une inquiétude
: « Peut-on affirmer lutter
contre la pauvreté et les inégalités et,
en même temps, prendre des mesures
qui accroissent le chômage, la précarité
et les exclusions ? L’évolution de
l’Union européenne, visible dans la
composition de la nouvelle Commission
et dans le contenu du traité
constitutionnel, renforce notre inquiétude.
»
Peut-on seulement dire du traité
constitutionnel qu’il « renforce
notre inquiétude » ? C’est peut-être en rapport avec le fait qu’ATTAC
ne prendra position que le 12
décembre sur la consigne de vote
pour le référendum.
Officiellement, ATTAC ne prend
pas position, mais dans la pratique
si puisqu’il charge l’Union
européenne d’assurer les taxations,
mais sans « gêner les marchés
» : « Nous nous engagerons
dans les campagnes pour que des
taxations globales soient décidées et
mises en œuvre unilatéralement par
l’Union européenne. »
L’Union européenne, qui est responsable
de toutes les destructions,
devrait donc, selon
M. Nikonoff, se faire le héraut de
la taxation. Mais de quelle taxation
s’agit-il ? Certes, il parle de
celle des « marchés » (ceux que
l’on ne doit pas gêner), mais la
réalité est celle-ci : « Nous appuierons
les premières mesures de taxation,
tel le centime additionnel sur les
factures d’eau, pour financer l’accès
des pays pauvres ».
Mais de quelle taxation
s’agit-il ?
Ainsi, il ne s’agit donc pas de la
taxation des « marchés », mais de
celle des citoyens, au moment où
on privatise les sociétés d’eau
quand elles sont encore publiques
et où, partout, on augmente, sous
de fallacieux prétextes écologiques,
le prix de l’eau. Ce qui est
donc en cause dans la proposition
de Nikonoff, c’est d’appuyer la
politique de privatisation et de
déréglementation du « marché »
de l’eau. On ne doit pas perturber
les marchés !
Et M. Nikonoff d’aller plus loin
en proposant à M. Chirac : « Au
plan national, nous réaffirmons
notre demande de création d’une
délégation aux institutions multilatérales
sur le modèle des délégations
pour l’Union européenne (…).
ATTAC reste à votre disposition
pour vous présenter ces objectifs (…)
ainsi que pour participer aux éventuels
groupes de travail que vous
déciderez de former. »
Derrière les discours, il y a la réalité
: M. Chirac ainsi que l’Union
européenne auraient ainsi pour
mission d’assurer la « justice
sociale » ? A qui peut-on faire
croire cela ?
L. GAUTHIER (semaine du 4 au 10 novembre 2004 - n°665)
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