Lutte de classe

 

 

Une initiative en direction des militants.

 

 

Nous  pourrions inaugurer une nouvelle rubrique du site Lutte de classe, si les militants le souhaitent.

 

Une sorte de forum où les positions des uns et des autres figureraient librement dans le site, mes propres positions figurant au même titre que celles des autres camarades. Nous partirions d’une question à laquelle les uns et les autres répondraient. Cette question pourrait avoir été rédigée par n’importe quel camarade. Ensuite, afin de pouvoir consulter n’importe quand ces questions et les réponses qui leur auraient été apportées par les camarades, une page Internet serait spécialement créée à cet effet dans le site Lutte de classe.

 

On peut concevoir que les camarades conserveraient l’anonymat dans la mesure où certains militent dans des partis ou des organisations où la démocratie n’est pas vraiment le point fort. De mon côté, je m’engage solennellement à ne transmettre leurs coordonnées électroniques à aucun parti, organisation ou groupe ni aucun militant sous aucun prétexte.

 

Cette initiative permettrait de mettre en présence et de comparer les différents points de vue, de faire un tour d’horizon rapide de tous les arguments en faveur de telle ou telle position, de répondre aux nombreuses interrogations des militants, si possible en évitant de se livrer à des polémiques qui n’apporteraient aucun éclairage nouveau sur les questions abordées, je m’y engage personnellement en ce qui me concerne.

 

J’ai pensé à une question intéressante pour ouvrir ce forum :

 

Trotsky a écrit, en 1938, dans le Programme de transition « les forces productives ont cessé de croître. ». Il indiquait que ce processus remontait au début du siècle, il le situait avant la Première guerre mondiale de 1914. Pourtant, n’assistons-nous pas au contraire ?

 

Si l’on compare le niveau de la production mondial de la très grande majorité des marchandises produites, des matières premières extraites, de l’agriculture, etc. entre 1938 et 2006, on ne peut que constater le gigantesque développement des forces productives qui s’est produit pendant cette période. Comment comprendre ?

 

Alors de quoi Trotsky voulait-il parler au juste? A quoi faisait-il allusion précisément ? S’agissait-il d’un constat définitif ou s’appliquait-il à des conditions historiques particulières susceptibles d’évoluer et de remettre en cause ce postulat ?

 

Trotsky a élaboré le Programme de transition comme une plate-forme d’action politique à destination des militants de IVe Internationale, au cours de la situation ouverte par l’annonce de la Seconde guerre mondiale et la liquidation du bolchevisme par le stalinisme en URSS. Il s’est placé résolument dans la perspective de la victoire de la révolution socialiste internationale sur le capitalisme mondial pour élaborer ce programme et armer les militants révolutionnaires, parce qu’il est impossible de combattre un ennemi en s’avouant vaincu à l’avance, c’est une simple question de bon sens.

 

Maintenant, il faut bien reconnaître que ce pronostic ne s’est pas réalisé. Cependant, cela ne suffit pas à remettre en cause le contenu du Programme de transition, dans la mesure où les hypothèses qui y étaient développés s’appuyaient sur une tendance générale, sur le cours probable ou possible que pouvait prendre la lutte des classes à l’échelle mondiale, principalement en fonction de l’évolution des rapports à l’intérieur du mouvement ouvrier, sans toutefois constituer un préalable valable ou applicable en toute circonstance. 

 

Certains se sont empressés de donner une interprétation littérale et caricaturale au Programme de transition, autrement dit dogmatique. Le plus souvent, ils se sont contentés d’en faire la critique en prétendant qu’il ne fallait rien y retrancher, rien y ajouter, rien y changer, en s’interdisant de chercher à comprendre ce que recouvraient certaines formules comme celle appliquée aux forces productives, par exemple. D’une certaine manière, ils en ont figé le contenu sans tenir compte de tous les facteurs auxquels il faisait référence, en essayant d’expliquer, tant bien que mal, que le cours des choses avait depuis amplement confirmé son contenu. Donc à partir de là, tout militant n’adhérant pas à l’intégralité du programme s’excluait de lui-même de la IVe Internationale.

 

Or, il est un fait incontestable qu’ils ont oublié de prendre en compte : Trotsky ne pouvait prévoir le cours des événements et élaborer ses formules qu’en s’appuyant sur les enseignements du marxisme, évidemment, mais uniquement à partir de la réalité objective de son époque, pas au-delà. Comme Marx ne pouvait pas prévoir les rythme et les délais ni les formes que prendraient le développement du capitalisme au XXe siècle, ni Lénine ni Trotsky ne pouvaient les prévoir, surtout à l’issue de la seconde guerre mondiale. Or, nos trotskystes professionnels se sont transformés en devins prétendant implicitement le contraire à travers leurs prétentions extravagantes, faisant dire à Trotsky, et à Lénine aussi, le contraire de ce qu’ils avaient dit et écrit.

 

Je me suis laissé prendre au piège en écrivant un texte en faveur de la thèse selon laquelle, les forces productives avaient cessé définitivement de croître, il y a un siècle. C’était une grossière erreur. Je n’ai pas été au bout de mon raisonnement, voilà tout.

 

Tout cela pour dire qu’en partant d’un postulat correct à une époque, on peut arriver à une conclusion erronée quand on ne prend pas la précaution d’en vérifier la validité à une autre époque ou aussi souvent que nécessaire. S’il était parfaitement correct de dire que les forces productives avaient cessé de croître en 1916 au moment où Lénine rédigea  L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, ou en 1938 lorsque Trotsky rédigea le Programme de transition, c’est parce que dans les deux cas, le développement des forces productives en régime capitaliste  s’était transformé en son contraire, en une formidable force de destruction à l’échelle de l’Humanité, débouchant sur la Première et la seconde guerre mondiale.

 

Le capitalisme mondial n’avait pu éviter cette terrible déflagration qui risquait de l’emporter lui-même, la Première guerre mondiale se termina par la victoire de la révolution prolétarienne en Russie.

 

30 ans, 67 ans plus tard, alors que les forces productives ont atteint un degré de développement inconnu dans le passé, incomparable avec celui de 1914 ou 1939, comment se fait-il que ce processus ne débouche pas sur une guerre mondiale ? Comment le capitalisme a-t-il réussi, d’une certaine manière, à éviter une pareille boucherie ? Comment se fait-il que ce qui est possible aujourd’hui ne l’ait pas été en 1914 ou 1939 ? Qu’est-ce qui a changé entre temps ?

 

Tout cela pour montrer que le même processus ne débouche pas forcément sur les mêmes situations. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce processus n’est pas exactement identique au précédent qu’un certain nombre de facteurs et de rapports ont connu des modifications importantes entre temps.

 

Sur la question des forces productives, on peut démontrer avec forces arguments que leur destruction massive de nos jours est bien un fait réel, calculé ou non, mais on ne peut pas nier que leur niveau actuel dépasse tout ce que l’humanité a connu dans le passé. On peut aussi, comme je l’avais fait, prétendre qu’une grande partie de la production de nos jours n’est pas orientée vers la satisfaction des besoins de la majorité de la population, mais cela ne change rein à notre affaire, car même la fabrication d’armes les plus destructrices que l’on puisse imaginer participe du développement des forces productives. Par contre, ce dont on peut être sûr, c’est que le capitalisme n’atteindra jamais le niveau de développement des forces productives qu’un régime socialiste atteindrait s’il remplaçait le système capitalisme à l’échelle de l’humanité tout entière.

 

Pour finir, ne faudrait-il pas adapter la formule de Trotsky à notre époque et conclure en disant : certes les forces productives continuent de croître (au profit d’une minorité), mais si l’on ajoute à la destruction actuelle des forces productives, l’emploi détourné qui en est fait à grande échelle, auquel il faut ajouter le fantastique potentiel qu’elles renferment et qui n’est pas exploité, le système économique capitaliste constitue bien une entrave au progrès et au développement de la civilisation humaine et il demeure dans l’incapacité de satisfaire les besoins les plus élémentaires de la majorité de la population de l’humanité, il doit donc disparaître…

 

On aurait pu développer le même thème en disant : la survie du régime capitaliste et le développement des forces productives en 2006 sur la base de la propriété privée des moyens de production, loin de permettre de satisfaire les besoins les plus élémentaires de la majorité de la population mondiale, risque d’entraîner l’humanité tout entière dans le chaos et la barbarie si on n’y met pas un terme très rapidement.

 

La question à laquelle je n’ai pas répondu entièrement était : Sur quoi, sur quels facteurs ou rapports historiques  s’appuyait cette affirmation ou formule de Trotsky dans le Programme de transition, et pour quelles raisons elle mérite d’être corrigée ou actualisée aujourd’hui ? Attention, j’ai écrit corrigée ou actualisée, ce qui ne veut pas dire qu’elle était fausse ni qu’elle ne serait plus valable dans aucune circonstance.

 

Si cette initiative vous intéresse, la parole est à vous : E-mail : milarepa13@yahoo.fr.  Dans le cas contraire, nous passerons à autre chose.