Lutte de classe

 

Réforme ou révolution ou les atermoiements du PT

 

 

Dans son tract du 6 avril, il est écrit  : "Que les organisations syndicales rencontrent le gouvernement en place et le patronat est chose courante.", pour souligner plus loin, que ce qui se passe aujourd'hui "est le contraire de la démocratie" et conduit au "corporatisme".

 

Vous vous attendiez à un appel à la rupture des relations des syndicats avec le gouvernement et le patronat, avec la CES. Vous vous attendiez à une dénonciation claire et nette des appareils qui militent pour l'intégration des syndicats dans l'appareil d'État.  Vous n'y êtes pas du tout.

 

Sans doute au nom de l'indépendance des syndicats et des partis politiques, un prétexte hypocrite qui sert à couvrir sournoisement toutes les compromissions de la direction du PT avec les appareils des syndicats, non seulement le PT n'appelle pas à la rupture des relations avec le gouvernement et le patronat, mais il s'abstient volontairement de dénoncer directement ceux qui se livrent quotidiennement à la collaboration de classe.

 

Alors que les éléments les plus avancés du prolétariat et de la jeunesse scandaient le 4 avril "Chirac Sarkozy dehors", "l'État c'est nous", au lieu de s'appuyer sur cette avant-garde des travailleurs et des jeunes, le PT a décidé sciemment de ne mettre aucun mot d'ordre en avant remettant en cause le gouvernement, l'Assemblée nationale, les institutions de la Ve République, rejoignant ainsi les appareils qui se sont refusés à "politiser" le mouvement contre le CPE.

 

Ainsi, le PT joue bien le rôle de flanc "gauche" des syndicats, mais en aucun cas celui d'un parti ouvrier indépendant comme il le prétend. Quant à la défense de l'indépendance des syndicats, elle se réduit le plus souvent à des déclarations sans lendemain qui servent à couvrir encore une fois la subordination de l'appareil du PT à celui de Force Ouvrière.

 

Dans ces conditions-là, à quoi bon évoquer en termes journalistiques la situation politique et sociale ? Comme l'on dit, cela n'engage à rien, l'essentiel n'est-il pas de sauver les apparences ?

 

Effectivement, puisque le PT ne propose aucune perspective politique et préfère balader les militants et les travailleurs à Bruxelles, le plus loin possible du pouvoir et des institutions contre lesquels les jeunes et les travailleurs ont engagé le combat.

 

Il s'agit en fait pour le PT, pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris,  d'expliquer aux travailleurs et aux jeunes, qu'il est inutile qu'ils se battent contre ce gouvernement, contre les institutions de la Ve République, qu'ils se leurrent, c'est peine perdue, puisque tout se décide désormais à Bruxelles. C'est ainsi que le PT protège le pouvoir en place, en y mettant les formes, c'est insidieux et sournois évidemment.

 

Comme les travailleurs ne peuvent évidemment pas engager directement le combat contre l'Union européenne, on voit mal comment des millions de travailleurs et de jeunes français pourraient se rendre en manifestation à Bruxelles, par exemple, il ne leur reste plus alors qu'à rester chez eux, à retourner bosser ou étudier !

 

Vous me direz que le combat contre l'Union européenne peut revêtir d'autres formes, lesquelles ? Exiger la rupture avec l'Union européenne, Exiger cette rupture de qui ? De Chirac, de Hollande, des députés qui ont voté oui le 29 mai 2005 ? C'est une mauvaise farce ou quoi ? Voilà comment on use et on dégoûte une génération de militants sincères et déterminés.

 

La première condition pour que l'on puisse avancer vers  la démocratie et la satisfaction de toutes nos revendications, le programme minimum, c'est la rupture avec les institutions bonapartistes de la Ve République et la rupture avec le capitalisme, entraînant dans son sillage l'abolition de toutes les lois antiouvrières et la rupture avec toutes les institutions nationales et internationales liées au capital.

Empêtré dans ses propres contradictions, on comprend mieux pourquoi le PT hésite à remettre en cause le gouvernement et les Institutions de la Ve République.

 

Dans le numéro 735 d'Informations ouvrières, page 16, Stentor a écrit que "La réforme est à l'ordre du jour", alors que nous vivons à l'époque des contre-réformes depuis des décennies. "L'impérialisme stade suprême du capitalisme, ne serait plus  "l'ère des guerres et des révolutions", mais le temps de la "réforme". Le capitalisme dans sa phase descendante, pourrissant, décomposé, la réaction sur toute la ligne, comme disait Lénine, serait redevenu par miracle le temps de la "réforme".

 

Ne s’agit-il pas d’entretenir des illusions dans la capacité du capitalisme de se réformer ?

 

Stentor peut préciser que "Pour nous, celle-ci doit s'inscrire dans un sens progressif pour l'ensemble de la société, et en premier lieu pour les salarié", merci quand même pour eux. On en est à se demander interloqués où il a bien pu trouver une seule réforme "progressiste" depuis l'avènement de la Ve République, et qui plus est, qui aurait profité à "l'ensemble de la société". On est réformiste ou on ne l'est pas, difficile de se refaire sur le tard.

 

Ne confondrait-il pas avec les conquêtes sociales et démocratiques qui ont été arrachées par la lutte des classes ? A ma connaissance, les lecteurs rectifieront si je me trompe, aucune réforme n'a été accordée au prolétariat de bonne grâce par le capitalisme depuis le XVIIIe siècle.

 

Le PT fait sans doute déjà partie de ceux qui vont "saluer" le retrait du CPE, alors que son contenu sera reporté sur d'autres formes de contrats de travail précaires. Personnellement, j'hésiterai à parler de "victoire".

 

La principale victoire des travailleurs et des jeunes sera d'ordre psychologique. Sur le terrain de la lutte des classes, elle se traduira par le renforcement de la détermination et de la conscience des travailleurs et des jeunes à chercher une issue politique pour en finir avec ce régime et ses institutions réactionnaires. C'est donc une nouvelle étape qui vient d'être franchie dans la lutte des classes en France.

 

Le mouvement contre le CPE, surprenant et submergeant partiellement les appareils, s’inscrit dans la continuité de la période politique qui s’est ouverte le 21 avril 2002, les masses rejetant à la fois la politique mise en œuvre par Chirac et Jospin, et les deux principaux partis institutionnels qui soutiennent les institutions de la Ve république, l’UMP et le PS, dans la continuité des trois élections qui ont eu lieu en 2004 au cours desquelles les travailleurs ont voté contre l’UMP-UDF, sans pour autant voter pour le PS et le PCF, dans la continuité du 29 mai 2005 où le rejet  de l’UMP et du PS s’est exprimé avec encore plus de force, dans la continuité des émeutes des banlieues ouvrières en novembre 2005. Cette période politique n’est pas close, mais en absence d’une réelle perspective politique, d’une alternative fiable et convaincante, d’un parti révolutionnaire ancré dans les masses, l’issue de tout mouvement social demeure hypothétique…

 

Au niveau social, le recul imposé au gouvernement sur le CPE, que j'entoure toutefois de réserves, pour les raisons que j'ai déjà évoquées, se soldera par un retour à la situation antérieure à février 2006, avant l'apparition du CPE, à une sorte de statu quo provisoire sur le Code du travail, à ceci près que le rapport de force en faveur des travailleurs et jeunes s'est nettement renforcé, bien qu'il reste fragile.

 

Maintenant,  si ce combat qui dure depuis plus de deux mois ne s'est pas traduit en terme de recrutement, en terme de construction du parti révolutionnaire, on pourra dire qu'il n'aura servi qu'à clarifier les positions des uns et des autres, étalant au grand jour leurs faiblesses, leurs lacunes et leurs désaccords...

 

A la question : le PT est-il un parti réformiste, je laisse le soin au lecteur de se faire sa propre opinion.

 

Nous considérons que le réformisme de nos jours est un concept ou un principe réactionnaire, c'est l'adaptation sans condition au système économique capitaliste, c'est la capitulation totale devant la bourgeoisie, c'est l'abandon du combat pour la révolution prolétarienne et le socialisme, c'est la négation du Manifeste du parti communiste et du programme de transition de Trotsky.

 

Ce n'est pas la réforme qui est à l'ordre du jour partout dans le monde, mais la révolution prolétarienne, pour en finir avec le vieux monde de l'exploitation de l'homme par l'homme.