Lutte de classe

 

 

Le PT s’adresse à Chirac :

« les citoyens sont en droit d’exiger la vérité »

 

 

Il y a au moins une constante au Parti des travailleurs, c'est l'opportunisme. Jugez vous-même.

 

Page 1 du numéro 741 d'Informations ouvrières, Daniel Gluckstein s'en prend ironiquement à Marie-George Buffet en sous-entendant que lui Daniel Gluckstein au nom du PT ne souhaite pas "restaurer" les institutions, c'est soi-disant la position défendue par le PT. Marie-George Buffet  prétend qu'il faudrait "soigner" les institutions pour les rendre présentable et acceptable lorsqu'elle dit que "(...) Les institutions sont malades de la faute des responsables de la droite." Sur ce point au moins nous sommes d'accord, il faut en finir avec les institutions bonapartistes de la Ve République.

 

Là où cela se gâte, c'est lorsque Gluckstein affirme que le retour à la démocratie est la solution, comment comprendre lorsque que tous les partis se réclament de la démocratie ( à l'exception du FN). Ainsi au lieu d'éclairer les travailleurs sur la voie à suivre pour mettre à bas ce régime, le PT contribue à embrouiller un peu plus les choses dans leur tête, au lieu de les armer politiquement, il fait exactement l'inverse.

 

Il faut bien avouer que personne ne peut s'y retrouver, à moins d'avoir une conscience politique suffisamment développée pour faire la part des choses, ce qui n'est manifestement pas encore le cas de la majorité des travailleurs, dans le cas contraire,  la question serait immédiatement réglée, or nous n'en sommes malheureusement pas encore là, mais nous y arriverons...

 

Lénine comme Trotsky ont fustigé en leur temps ceux qui mettaient en avant le mot d'ordre de la démocratie en générale qui de nos jours n'a rien à envier aux adeptes de la démocratie participative et de la société civile, puisqu'il s'agit aussi d'une expression du  réformisme, donc dans la période actuelle de décomposition du capitalisme, d'une conception purement réactionnaire de la lutte des classes, ce qui veut dire que le PT ne se bat pas pour les mêmes intérêts que nous, c'est parfaitement clair.

 

Pour que les militants comprennent bien d'où vient et ce que signifie cette ligne politique réactionnaire du "retour à la démocratie", nous joignons un texte rédigé en 1984 par l'un des dirigeants du PCI (membre du comité central et du bureau politique) qui contestait fermement déjà à l'époque cette ligne politique opportuniste, ce qui lui a valu évidemment d'être exclu du PCI avec de nombreux camarades. 

 

Le texte en question est sur le site : Contribution à la discussion préparatoire du XXVIIIe Congrès du PCI, par Stéphane Just, 1984. Même si nous ne partageons pas toutes les positions que Stéphane Just développaient à cette époque, ce document n’en conserve pas moins toute sa valeur pour comprendre la position actuelle du PT.

 

Ce qu'il y a  extraordinaire dans ce numéro d'Informations ouvrières, c'est qu'à la première page Gluckstein fustige Marie-George Buffet parce qu'elle prend la défense des institutions, et en page 16, Stentor s'en remet à ses mêmes institutions lorsqu'il écrit :" C'est pourquoi, de la part du président de la République, les citoyens sont en droit d'exiger la vérité.", à propos de l'imbroglio lié à l'affaire Clearstream.

 

Les "citoyens", c'est-à-dire, toutes les classes confondues  auraient un intérêt commun à connaître la vérité sur l'affaire Clearstream, étonnant, non ? Au passage, Stentor tente clairement de réhabiliter Chirac au plus bas dans les sondages, en bon défenseur qu'il est des institutions de la Ve République.

 

Nous, nous pensions que Chirac n'avait de comptes à rendre qu'aux patrons, aux dirigeants des multinationales puisqu'il est leur représentant au sommet de l'État bourgeois. Stentor voudrait-il nous faire croire que la majorité des travailleurs et des jeunes ne savent pas qui est Chirac, qu'ils ont des illusions sur Chirac, après le 29 mai 2005, après la révolte des banlieues, après le mouvement social contre le CPE ? Stentor ne nous prendrait-il pas pour des cons par hasard ? Quel manipulateur ce Stentor!

Pour soutenir Chirac et son gouvernement, pour justifier sa ligne politique opportuniste, le PT a besoin de fabriquer des arguments en transformant la réalité, il vient de nous fournir un nouvelle preuve. Chirac n'a pas été surnommé "super menteur" pour rien, que je sache !

En vertu de la démocratie, monsieur le président, nous vous demandons de bien vouloir nous dire la vérité, voilà à quoi en est réduit le PT, navrant ! C'est le genre de vertu dont nous préférons nous passer !

 

Dans le même registre, en page 15, nous avons eu le droit à une nouvelle manifestation du caractère opportuniste du PT.

 

Vous savez tous que le PT prétend mener un combat acharné pour l'indépendance des syndicats. La réalité semble bien différente. Jugez vous-même.

 

Angelo Geddo (Roger Sandri pour les intimes) a écrit : "Dialogue social : oui. Mais pour quoi faire ? Traiter de l'emploi : tout le monde est d'accord. Mais alors, comment régler le problème, lorsqu'on sait que seule la croissance est de nature à relancer l'emploi." Vous avez bien lu.

Et plus loin : "On peut disserter à perte de vue sur la qualité du moteur. Tant que le carburant fera défaut, la fin de la crise n'est pas encore annoncée." On a envie de lui dire : mais quand est -ce que vous serez à court de carburant pour cesser vos balivernes ?

Plusieurs remarques :

 

1- Notez bien que le PT s'inscrit dans la logique du "dialogue social" qui  conduit  chaque fois aujourd'hui, comme chacun le sait,  à associer les syndicats à la liquidation de tous nos acquis sociaux ou à les amputer. Sans doute au nom de la défense de l'indépendance des syndicats.

 

2-Le PT tente encore une fois de réhabiliter le "dialogue social", synonyme de collaboration de classe depuis plus de 70 ans. C'est grâce au "dialogue social" que tous les mouvements sociaux, les crises révolutionnaires ouvertes et les situations pré révolutionnaires ont été liquidés au profit du maintien de l'État bourgeois, il faut le rappeler. Mais le PT en redemande.

 

3-Quand il écrit : "Traiter de l'emploi : tout le monde est d'accord.", cela sous-entend sans la moindre ambiguïté possible qu'on pourrait trouver un terrain d'entente avec les patrons sous certaines conditions, alors que le rôle des syndicats est de défendre les intérêts particuliers matériels et moraux des travailleurs, et non de tomber d'accord sur quoi que ce soit, et même si c'était le cas, ce serait pour des raisons totalement opposées à celles du patronat.

On pourrait penser aussi que "tout le monde" parle le même langage, parle de la même chose et défend les mêmes intérêts, non ? Le PT c'est avant tout l'embrouille, les grandes généralités qui cachent toutes les capitulations de ses dirigeants depuis des décennies, ne l'oublions pas.

 

4- Geddo lie l'emploi à la croissance, il le dit lui-même, nous n'inventons rien. Qu'est-ce à dire ? Selon le PT, le capitalisme français devrait mettre en oeuvre des mesures économiques efficaces pour augmenter la croissance et créer de l'emploi. N'est-ce pas justement ce qu'il tente de faire en s'attaquant au droit du travail, en fermant les hôpitaux, les écoles, les perceptions, en privatisant, etc. ? Geddo en redemande, le capitalisme ne va pas assez loin ou alors il s'y prend mal.  Geddo se transforme en conseiller du capital contre le travail. Il fallait oser l'écrire aussi ouvertement dans Informations ouvrières.

 

Pour nous, il ne peut y avoir qu'une seule solution pour en finir avec le chômage, cela passe obligatoirement par la liquidation des institutions de la Ve République, par la nationalisation des moyens de productions et le contrôle de la production et de la distribution par les travailleurs et leurs syndicats. Sans rompre avec le capitalisme, il ne peut pas y avoir de solution au chômage, à moins de considérer les emplois précaires comme un vrai travail, comme en Grande-Bretagne, par exemple.

 

5- Le PT n'entend pas en finir avec le régime, mais avec la crise qui le frappe de plein fouet. Question :  que demande de plus Chirac, son gouvernement et les capitalistes qu'ils représentent : rien d'autre. La preuve ?

 

Pendant que Gluckstein martèle que  le non-respect de la démocratie  serait à l'origine de la crise du régime, alors qu'en réalité, cette crise est l'expression de la lutte de classe qui mine le système capitaliste jusque dans ses fondements, Geddo explique que le chômage serait vaincu si messieurs les capitalistes voulaient bien avoir l'obligeance de créer de la croissance pour que la crise du régime soit jugulée.

Dans les deux cas, le PT semble s'inquiéter davantage du sort du capitalisme et du régime que du sort des travailleurs qui sont frappés par le chômage entre autres. Bien entendu, cela ne se voit pas au premier coup d’œil, tout est fait sournoisement, insidieusement, malicieusement, par des voies détournées, c'est très tordu en réalité, il faut prendre son temps et lire lentement et attentivement  chaque mot et ne pas s'arrêter à une vague impression d'ensemble qui peut résulter d'une lecture unique réalisée distraitement.

Relisez Que faire ? de Lénine, c'est très instructif, il insiste à plusieurs reprises sur un mot, un mot seulement qui peut modifier radicalement le contenu ou la signification d'une page entière et qui peut révéler derrière un soi-disant marxiste, un renégat.

 

Dans un autre article intitulé "La tactique du bulldozer mise en échec", dans la même page, Geddo se fait le porte-parole des appareils des syndicats en affirmant : "Aujourd'hui, avec un peu de retard à l'allumage, les organisations syndicales entendent faire subir la mise à mort du CNE". Chacun a encore en mémoire le fait incontestable que les dirigeants syndicaux ont laissé passer le CNE sans la moindre réaction depuis août 2005. Entre le 24 juillet et le 2 août 2005, le droit du travail a été modifié par six lois, six ordonnances et quinze décrets d'applications sans la moindre réaction des Thibault, Mailly, Aschiéri, les chers amis de monsieur Geddo. Depuis cette date, plus de 400 000 CNE ont été signés, une paille !

 

Notons que lorsqu' il met en avant "les organisations syndicales", il se livre au passage à un amalgame honteux entre les appareils bureaucratiques réformistes et staliniens traites au mouvement ouvrier et les militants des syndicats qui combattent honnêtement pour la défense des intérêts des travailleurs.

 

Donc si l'on en croit le PT, les appareils réformistes et staliniens auraient décidé d'engager le combat contre le CNE, le PT doit bien être le seul parti à le penser réellement, en dehors des appareils eux-mêmes, évidemment.

 

Pour justifier cette grotesque affirmation Geddo va jusqu'à prétendre que le conseil des prud'hommes de Longjumeau aurait condamné "un employeur sur l'absence de motivation sérieuse, portant sur un licenciement", mais le problème c'est qu'il ne nous dit pas quel type de contrat avait signé le travailleur en question ni dans quelle condition ce licenciement est intervenu. Intox et manipulation à la fois, car chacun d'entre nous sait pertinemment que l'une des clauses du CNE porte justement sur l'absence de motivation du licenciement du salarié, ce qui rend le patron inattaquable sur ce point précis et déterminant pour le salarié.

 

Geddo ment effrontément, Chirac ment à tour de bras, inutile de leur demander à l'un ou à l'autre de dire la vérité, la vérité est révolutionnaire et elle les effraie tous les deux plus que tout !

 

Plus loin, pour que sa manipulation présente un semblant de cohérence, Geddo affirme que le CNE (et le CPE) comportent "des clauses allongeant la durée des périodes d'essai, deux ans pour le CNE (...)". Faux, et nous allons le prouver très facilement.

 

Vous voulez des preuves de l'opportunisme du PT, lisez comme moi Informations ouvrières vous en trouverez à profusion.

 

Informations ouvrières n° 727 page 2, à la question suivante : "La période constituée de deux premières années du CNE doit-elle être considérée comme une période d'essai ?",  voilà ce qu'un inspecteur du travail répondait  : " Non, cette période est une période spécifique de consolidation de l'emploi, qui permet à l'employeur de mesurer la viabilité économique, etc."

A la question suivante : " Les périodes  d'essai prévues par les conventions collectives existantes s'appliquent-elles au CNE ? Réponse : " Non. "Uniquement au CDI de droit commun et non au CNE qui constitue une catégorie de contrat nouvelle", etc." Et il poursuivait ainsi : "Ce qui compte c'est que pendant deux ans, le patron peut mettre un terme au contrat sans avoir à fournir aucune explication". C'est clair, net et précis.

 

Informations ouvrières n° 728, page 2, le journal interviewait un syndicaliste. Que disait-il ? : "Demain, si on ne peut plus s'appuyer sur le Code du travail, si le patron recourt à des "contrats nouvelles embauches" et des "contrats premières embauches", on devrait dire aux jeunes, aux travailleurs qui viendront nous voir : "Il n'y a rien à faire." Ce serait la fin des prud'hommes, parce que ce serait la fin du Code du travail." N'est-ce pas suffisamment clair ?

 

L'inspecteur du travail et le syndicaliste interviewés dans votre journal seraient-ils des demeurés, des menteurs, monsieur Geddo, nous vous posons la question ?

 

Informations ouvrières n° 734, page 2, on trouvait un autre interview, il s'agissait cette fois d'un syndicaliste inspecteur du travail : "(...) Avec le CPE et le CNE, l'employeur peut mettre un terme au contrat à tout moment, sans avoir à fournir la moindre explication, ni au salarié ni même devant un conseil de prud'hommes. ".  Est-ce suffisant monsieur Geddo ou vous en voulez encore ?

 

Encore un qui ne sait pas ce qu'il dit, si on en croit Geddo. Décidément, il doit prendre ses désirs pour la réalité, à moins qu'il ne s'agisse d'autre chose. Geddo a une longue expérience derrière lui de bureaucrate syndical à FO. L'appareil de ce syndicat entretient des relations plus qu'étroites avec la direction du PT, ou c'est plutôt l'inverse.

 

On comprend que les dirigeants du PT voient d'un mauvais oeil la perte d'autorité et de légitimité des prud'hommes, puisque c'est cette institution qui sert à déterminer l'influence des différents syndicats chez les travailleurs, ce qui intéresse particulièrement les dirigeants du PT. Les postes de bureaucrates au sein des appareils syndicaux sont limités, en outre, ils sont des sources importantes de prébendes, d'influence... et de temps libres. C'est également les élections aux conseils des prud'hommes qui servent de baromètre pour mesurer la popularité des syndicats et établir leur classement.

 

A quoi bon des syndicats s'ils ne servent plus à rien, voilà la question qui émeut notre bureaucrate petit-bourgeois. Qu'est-ce qu'on va devenir ? Serons-nous obligés d'aller bosser ? Et qui plus est dans le privé ? Quelle horreur ! On en a les larmes aux yeux, par pour vous monsieur Geddo, évidemment, mais pour nos syndicats que vous collaborer à détruire pour satisfaire au passage vos propres intérêts d'appareil soi-disant trotskyste.

 

On comprend dés lors parfaitement où se situent les préoccupations du PT quand il tente par des moyens malhonnêtes de redonner vie à une institution en voie de dépérissement, ajoutons que ce n'est certainement pas le meilleur moyen de la sauver, mais bien le contraire ; ce qui vaut pour la défense de l'indépendance des syndicats, vaut également pour la défense des conseils des prud’hommes et du Code du travail.

 

Comme Geddo n'a évidemment pas le moindre scrupule à tout dire et son contraire dans la foulée, dans le même numéro 741, toujours à la page  15, dans l'article intitulé "Quels objectifs", Angelo Geddo tente de nous rassurer sur ce qu'il est vraiment, comme  si c'était vraiment indispensable: "Pour ce qui me concerne, je reste fidèle à la tradition historique d'un syndicalisme indépendant et de contestation. ",  en vain, c'est peine perdue, le mirage est rompu, l'illusion dissipée, évanoui. Il fallait lire pour redonner sa cohésion au verbiage de Geddo  : "je reste fidèle à la trahison historique du syndicalisme indépendant et de collaboration".

 

Avouons-le, la lutte des classes n'a rien de marrant en général. C'est un combat, point. Avec un peu d'humour en plus, c'est comme mettre un peu de beurre dans les épinards, gageons que Geddo et Stentor n'en mangent pas, c'est un plat réservé aux pauvres.

 

Nous abordons le plus souvent des sujets graves qui mettent en jeu la vie de milliers ou de millions de travailleurs et leurs familles à travers le monde. A aucun moment nous n'avons envie de les traiter sur un ton léger, cela serait déplacé,  insultant ou  méprisant, de ce point de vue, nous trouvons le sarcasme et badinage journalistique d'un Stentor ou d'un Geddo totalement déplacé,  nous en avons honte pour eux et le PT tout entier.

 

A défaut d'être capable de parler aux travailleurs et aux jeunes dans un langage accessible qu'ils peuvent saisir, le PT verse dans la démagogie et les métaphores les plus scabreuses en les prenant pour des débiles. Les faits sont les faits, répète sans cesse Gluckstein, encore faut-il ne pas les fabriquer pour l'occasion.

 

Note : Le substantif "interview" peut être masculin ou féminin, comme d'autres substantifs, par exemple, après-midi.