Texte paru comme supplément au numéro 50 de Combattre pour le Socialisme du 15 décembre 1993

 

 


LAMBERT ET SES "AMIS"

"reproclament LA IVe INTERNATIONALE"

(ou : l'art des multiples langages)

 

 

"LA IVe INTERNATIONALE" "REPROCLAMÉE" ?

LA "IVe INTERNATIONALE" QUE LAMBERT APPELLE DE SES VŒUX

PROLÉTAIRES (OU PEUPLES ?) DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS

LÉNINE, MARX, ET LES CRISES DU MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE

L'EIT S'ADRESSE A L'OIT

PROPRIÉTÉ ÉTATIQUE OU "SOCIALE" DES MOYENS DE PRODUCTION ?

À PROPOS DU RÉTABLISSEMENT DU CAPITALISME

UN TITRE QUI POSE UNE QUESTION À LAQUELLE LE RAPPORT NE RÉPOND PAS

UNE FOIS ENCORE : LIGNE STRATÉGIQUE ET ÉVENTUALITÉ TACTIQUE

LA "CONFÉRENCE OUVERTE" RENAIT DE SES CENDRES

LA CONFÉRENCE DE CARACAS

LA CONFÉRENCE DE BARCELONE

DE L'APPEL DES 75, À : "CESSEZ LE FEU, NÉGOCIATIONS !"

LA "LIGNE DE LA DÉMOCRATIE"...

... ET TROTSKY

DÉFENSE DES LIBERTÉS DÉMOCRATIQUES

DE L'OPPORTUNISME AU "GAUCHISME"

LA "JOURNÉE D'ACTION" DU 12 OCTOBRE 1993

COMBATTRE POUR LE FRONT UNIQUE DES ORGANISATIONS OUVRIERES

À PROPOS DU "FRONT UNIQUE ANTI-IMPÉRIALISTE"

LE COMBAT SUR LA LIGNE DE LA RÉVOLUTION POLITIQUE

DES PHRASES CREUSES ET MENSONGERES

QUELLE INTERNATIONALE FAUT-IL CONSTRUIRE ?

ET LES ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE ?

À PROPOS DE L'ACCORD ENTRE LA DIRECTION DE L'OLP ET LE GOUVERNEMENT D'ISRAEL

LES FOSSOYEURS DE LA IVe INTERNATIONALE

 

 

"LA IVe INTERNATIONALE" "REPROCLAMÉE" ?

 


Ainsi, la IVe Internationale serait "reproclamée". S'il s'agissait vraiment de la IVe Internationale, celle de Trotsky, ce serait un événement d'une importance majeure. Plus que jamais, en effet :


"Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine toute entière est menacée d'être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c'est à dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire".


En la constituant, Trotsky fixait comme tâche à la IVe Internationale : construire cette direction, c'est à dire une organisation internationale se situant sur le programme de la révolution prolétarienne mondiale, de la révolution socialiste, de la réalisation du socialisme , dont le "Programme de transition", qui s'intitule "L'agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale" est un volet. La IVe Internationale, formée par Trotsky, devait bâtir dans chaque pays des partis à partir de et sur son programme, tout son programme, et pas seulement le "Programme de transition".


La reproclamation de la IVe Internationale de Trotsky serait donc un événement capital de la lutte des classes... s'il s'agissait bien de cette internationale.


 

LA "IVe INTERNATIONALE" QUE LAMBERT APPELLE DE SES VŒUX

 


Mais le jour même de cette soi-disant "reproclamation", Pierre Lambert, qui présidait le meeting du 20 juin, mettait les choses au point :


"Nous commençons un long chemin, le long chemin déjà parcouru avec beaucoup de difficultés, c'est celui de l'humanité pour son émancipation, c'est celui de la I° Internationale. Il y en a qui ont failli. Eh bien, nous en construirons une nouvelle parce qu'il est impossible qu'on accepte de subir la faillite de ceux qui veulent nous transformer en esclaves. Alors, ce chemin est long et difficile, mais il faut le paver d'initiatives unitaires, de discussions libres, pour construire dans chaque pays des partis ouvriers indépendants, et à l'échelle internationale.. Cette Internationale ouvrière, celle de Marx, de Bakounine, celle de 1864 qui rassemblait syndicats et partis, dans le respect de leur indépendance réciproque et qui déclarait au monde : L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes. C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui dans la lutte contre les privatisations".

Baragouin, redondance, style radical-socialiste de sous-préfecture marquent ce discours. L'essentiel est cependant la réconciliation entre Marx et Bakounine que Lambert veut réaliser. Le marxisme et le "bakouninisme" (l'anarchisme) sont, sur le plan théorique et politique, des ennemis irréconciliables. Le marxisme est la théorie, la méthode, la pratique révolutionnaires du prolétariat. L'anarchisme est la logique libérale poussée à l'extrême, autrement dit une exaspération de nature petite-bourgeoise. Que des accords tactiques et circonstanciels puissent être conclus entre marxistes et "bakouninistes" est une chose ; mais, fondamentalement, ils sont irréductiblement opposés.


La I° Internationale n'a pas "rassemblé" Marx et Bakounine. Bakounine et ses amis ne sont entrés en 1868 dans la I° Internationale que pour la détruire. Engels rédigea en août 1872 le "Rapport présenté au Congrès de La Haye, au nom du Conseil général, sur l'Alliance de la Démocratie Socialiste". Ce rapport se termine ainsi :


"Considérant :

 

1) Que l'Alliance fondée et dirigée par M. Bakounine (et qui a pour organe principal le Comité central de la fédération jurassienne) est une société hostile à l'Internationale parce qu'elle doit tâcher, ou de dominer l'internationale, ou de la désorganiser,


2) Que, par conséquent, l'Internationale et l'Alliance sont incompatibles,


Le congrès décrète :


1) M. Bakounine et tous les membres actuels de l'Alliance de la Démocratie Socialiste sont exclus de l'Association Internationale des Travailleurs. Ils ne pourront y rentrer qu'après avoir publiquement répudié toute communauté avec cette société secrète.


2) La Fédération jurassienne, comme telle, est exclue de l'Internationale" -
(recueil "Socialisme autoritaire ou libertaire", tome 1, UGE, p.323)


L'incompatibilité entre Marx et Bakounine s'est concrétisée politiquement sur :


- la nécessité de construire le Parti ouvrier révolutionnaire du prolétariat,- la nécessité pour le prolétariat de prendre le pouvoir politique et d'établir sa dictature - position de Marx.


- le refus de construire le Parti ouvrier révolutionnaire, une conception conspiratrice, l'opposition à toute lutte politique, l'opposition à la dictature du prolétariat - position de Bakounine.

Lambert truque, et gomme tout cela. Double langage, double attitude. D'une part, prétendue "reproclamation de la IVe Internationale" ; de l'autre, le programme de la IVe Internationale est jeté aux orties. D'une part, affirmation que c'est la "IVe Internationale" qu'il faut construire ; d'autre part, déclaration selon laquelle il faut revenir à la I° Internationale, tout en faisant de Bakounine l'un de ses fondateurs alors qu'il a tenté de la détruire.


Cette "reproclamation" et cette "IVe Internationale" sont des leurres destinés à tromper les militants qui veulent construire l'Internationale Ouvrière Révolutionnaire indispensable à la victoire de la révolution prolétarienne mondiale, à la réalisation du socialisme. Quant aux réformistes, anarchistes, anarcho-syndicalistes de diverses variétés, aux apparatchiks syndicaux, etc., les Lambert et autres les rassurent : ne craignez rien, ce n'est qu'une parodie, nous nous situons politiquement sur le même plan que vous ; vivons cordialement dans ce capharnaüm qui a pour sigle "l'Entente Internationale des Travailleurs". "Réconcilier" Marx et Bakounine, c'est nier le marxisme, c'est enterrer la IVe Internationale de Trotsky, sa signification historique, ses acquis théoriques et politiques, son programme, y compris le "Programme de transition" dont Trotsky disait :


"Je souligne qu'il ne s'agit pas encore du programme de la IVe Internationale. Le texte ne contient ni la partie théorique, c'est à dire l'analyse de la société capitaliste et de son stade impérialiste, ni le programme de la révolution socialiste proprement dite. Il s'agit d'un programme d'action pour la période intermédiaire."
("Œuvres 1933-1940", ILT, tome 17, p.135).


 

PROLÉTAIRES (OU PEUPLES ?) DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS

 


Les analyses des "reproclamateurs de la IVe Internationale" se veulent radicales. Mais elles commencent mal. Dès l'introduction du texte intitulé "Le programme de la IVe Internationale a-t-il été vérifié par les événements ?", on lit :

 

"Quelles que soient les formes politiques, nationales ou religieuses qu'ils puissent revêtir, les problèmes auxquels les peuples (souligné par "CPS") de tous les pays convergent à présent sur une seule question à résoudre : l'impasse du système fondé sur la propriété privée des grands moyens de production". ("La Vérité" nouvelle série n°5, p.7).

 

Le mot "peuple", au singulier et au pluriel, se retrouve dans tous les textes des "reproclamateurs de la IVe Internationale" jusqu'à appeler dans certains d'entre eux l'EIT : "Entente Internationale des Travailleurs et des Peuples". Le mot peuple est, en ces circonstances, une abstraction qui engendre une confusion dangereuse, car il ne faut pas oublier qu'il est inséré de façon constante dans des analyses qui se veulent fondamentales. Le "Manifeste communiste", que Marx et Engels ont écrit, commence par ces mots : "L'histoire de toute société jusqu'à nos jours, c'est l'histoire de la lutte des classes".

 

Et non des "peuples". Même opprimés, les "peuples" sont composés de classes aux intérêts généralement antagoniques. Marx et Engels poursuivent :

 

"Homme libre et esclave, praticien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés se sont trouvés en constante opposition ; ils ont mené une lutte sans répit, tantôt déguisée, tantôt ouverte, qui chaque fois finissait soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la ruine des diverses classes en lutte".

 

La division de la société en classes est particulièrement nette dans la société bourgeoise, surtout à l'époque impérialiste, y compris dans les pays coloniaux et semi-coloniaux qui sont dominés et assujettis à l'impérialisme.

 

C'est seulement pour les classes opprimées et exploitées que "la seule (?) question à résoudre est l'impasse du système fondée sur la propriété privée des grands moyens de production". Encore faut-il ajouter que seul le prolétariat peut la résoudre en prenant le pouvoir, en instaurant sa dictature politique (l'Etat ouvrier). C'est la condition première et indispensable pour qu'il puisse exproprier la bourgeoisie de la possession des moyens de production, et planifier celle-ci.

 

Le "Manifeste communiste" se termine sur la célèbre formule : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous", et non par : "Peuples du monde, unissez-vous". L'adresse inaugurale de l'Association Internationale des Travailleurs (I° Internationale) commence par le mot : "Ouvriers !". C'est à eux qu'elle est adressée et non aux "peuples". Elle se termine également par "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous" , et non par "Peuples de tous les pays, unissez-vous".

 

Bien sûr, cela ne signifie pas que le prolétariat ne doit pas combattre inconditionnellement pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes : tout au contraire. A l'initiative de Marx et Engels, la I° Internationale a même été, au moment de la Guerre de Sécession, jusqu'à faire bloc derrière Abraham Lincoln. Il faut préciser qu'alors, le capitalisme n'était pas à son stade impérialiste et que la bourgeoisie pouvait encore avoir, en certains pays et dans certaines circonstances, un rôle progressiste sur les questions nationales et à propos des droits et libertés démocratiques. Mais déjà, en Europe, les révolutions de 1848 avaient montré ses limites et sa couardise dès lors que le prolétariat se dressait et commençait à combattre politiquement pour son émancipation.

 

Depuis que le capitalisme a atteint son stade impérialiste, réaction sur toute la ligne, la bourgeoisie ne peut que jouer un rôle réactionnaire. Elle se survit comme classe. Certes, les questions nationales, la défense des libertés démocratiques sont plus que jamais à l'ordre du jour. Mais ce ne sont pas "les peuples", toutes classes confondues, qui peuvent les résoudre, mais les prolétariats appuyés par les autres classes exploitées.

 

D'ailleurs, jamais dans le "Programme de transition (L'agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale) ", Trotsky n'a utilisé le mot "peuple", y compris dans les sections "L'alliance des ouvriers et des paysans", "La lutte contre la guerre", "Les pays arriérés et le programme des revendications transitoires". Ce n'est ni par hasard, ni par négligence. Mais les "refondateurs de la IVe Internationale" ont besoin de multiplier ponts et passerelles pour rejoindre leurs amis de l'EIT et du PT.


 

LÉNINE, MARX, ET LES CRISES DU MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE

 


Il faudrait un livre pour relever tous les à-peu-près, manques, distorsions, pseudo-découvertes théoriques, falsifications que comportent les textes préparatoires à la conférence de soi-disant "reproclamation de la IVe Internationale" et les démonter. Peut-être un jour faudra-t-il l'écrire. Aujourd'hui, ce n'est pas nécessaire. Incontestablement,


"Les forces productives de l'humanité, qui étouffent et régressent dans le carcan de la propriété privée des moyens de production et des États nationaux ne peuvent connaître un nouvel essor qu'en se libérant de ce carcan. L'appropriation sociale (Il faudra revenir sur "appropriation sociale", NDLR) reste la seule voie pour sortir l'humanité du chaos où la précipite, chaque jour davantage, un système définitivement failli". ("La Vérité" n°5, p.48).


Si l'on comprend bien, ce sont donc les rapports de production capitalistes qui sont à l'origine de la crise économique, sociale et politique actuelle, laquelle risque de précipiter l'humanité dans une épouvantable catastrophe. C'était au moins l'avis de Marx et de Lénine. Ce qui exclut l'explication des crises par la "sous-consommation" contre la théorie de la sous-consommation. Lénine a expliqué :


"L'analyse scientifique de l'accumulation, dans la société capitaliste, et de la réalisation du produit a ébranlé les fondements de cette théorie, tout en montrant que c'est justement dans les périodes qui précèdent les crises que les ouvriers consomment davantage et que la sous-consommation (qui expliquerait prétendument les crises) a existé dans les régimes économiques les plus divers, alors que les crises sont le trait distinctif d'un seul régime, le régime capitaliste. Cette théorie (l'analyse scientifique, celle de Marx, NDLR) explique les crises par une autre contradiction, celle qui existe entre le caractère social de la production (socialisée par le capitalisme) et le mode privé, individuel, d'appropriation". ("Œuvres complètes", Progrès, tome 2, p.164)


Marx souligne à propos de la loi de la baisse tendancielle du taux de profit :


"A tous points de vue c'est la loi la plus importante de toute l'économie moderne. En outre, elle est essentielle à la compréhension des rapports les plus complexes. Du point de vue historique, c'est la loi la plus importante".
("Fondements de la critique de l'économie politique" - Livre II, page 275 - Éditions Anthropes - Paris).

 

Plus loin :


"Si le taux de mise en valeur du capital total, le taux de profit, est bien l'aiguillon de la production capitaliste (de même que sa mise en valeur du capital est son unique fin), sa baisse ralentira la constitution de nouveaux capitaux autonomes et elle semble dès lors menacer le développement du procès de production capitaliste, elle favorise la surproduction, la spéculation, les crises, la constitution de capital excédentaire à côté d'une population en excédent" ("Le Capital", livre III, Ed. sociales; tome 1, p.254).


 

L'EIT S'ADRESSE A L'OIT

 


Comme sur bien d'autres points, le rapport "Le programme de la IVe Internationale a-t-il été vérifié par les événements ?" est équivoque comme il l'est sur le point de savoir quelles sont les causes des crises du régime capitaliste. Mais l'EIT, dont les "reproclamateurs de la IVe Internationale" sont les initiateurs, est très claire à ce sujet. Elle envoie une lettre au directeur général de l'OIT :


"Par votre intermédiaire, l'Entente Internationale des Travailleurs s'adresse à l'ensemble de la Conférence de l'OIT pour exiger un changement radical d'orientation, afin de faire pression sur les instances internationales, et en particulier le FMI et la Banque mondiale pour exiger d'eux :


- une remise totale des dettes (et des intérêts y afférents) contractées par les pays débiteurs.


- des ajustements structurels allant dans le sens du progrès social.


- de mettre un terme aux politiques ultra-libérales et monétaristes et au parasitisme financier menant le monde à la catastrophe.


Ce sont là les moyens susceptibles de provoquer la relance d'une économie mondiale vouée à l'anarchie en raison même du maintien de structures marchandes capitalistes, incapables aujourd'hui d'intégrer les mutations technologiques en cours, sauf d'accepter la destruction des forces productives par le chômage chronique et la paupérisation grandissante des populations.


Cette action a naturellement pour corollaire la pérennisation d'une protection sociale fondée sur une action publique, par opposition à un caritarisme synonyme d'assujettissement, en contradiction avec l'épanouissement d'une authentique citoyenneté.


Ainsi, l'oeuvre accomplie par l'OIT se poursuivra, pour l'édification d'un monde de paix, de progrès social, de démocratie et de liberté"
("Informations ouvrières" n°82).


Ouf ! Quel pathos platement réformiste et éculé, dont l'axe est la "relance". C'est-à-dire la liquidation de la crise par l'augmentation de la consommation. Certes, l'Etat bourgeois, pour surmonter les crises, peut pratiquer une politique de "relance".


Mais les marchés qu'il ouvre doivent nécessairement servir à augmenter le taux de profit ; ce qui implique que la masse de la plus-value augmente par rapport au capital engagé, que reprenne le processus d'accumulation, que soient rétablis les rapports dynamiques entre le secteur I et le secteur II de la production. Ces marchés doivent ouvrir des débouchés aux grands travaux, à l'industrie d'armement. Il ne s'agit surtout pas d'augmenter la consommation des producteurs, des prolétaires, ce qui réduirait la plus-value - sinon comme une conséquence de la reprise de l'accumulation, si celle-ci exige de faire appel à plus de force de travail.


La lettre évoque "les structures marchandes capitalistes". C'est la pointe d'ail pour donner un goût "anticapitaliste" à cette sauce pourrie, comme le membre de phrase "la destruction des forces productives" est là pour rendre acceptable ce plat faisandé. Mais même ces ingrédients font ressortir qu'il s'agit d'une mystification : la lettre évite de mettre en cause les rapports de production capitalistes, la propriété privée des moyens de production. De la nécessité d'exproprier la bourgeoisie qui détient les moyens de production, il n'est surtout pas dit un mot. Il ressort de cette lettre que la cause des crises du régime capitaliste, c'est la sous-consommation. Elle est sur la ligne de surmonter la crise actuelle en élargissant la consommation. Son orientation, c'est la réforme de ce mode de production.


Et à qui cette lettre est-elle adressée ? A l'Organisation Internationale du Travail ! Or, c'est un organisme institué, mis en place, pour associer à l'échelle internationale les directions syndicales hier à la SDN, aujourd'hui à l'ONU et à d'autres organismes constitués par les puissances impérialistes, dont la fonction est de concourir à l'oppression et à l'exploitation dans le monde entier du prolétariat et de la population laborieuse. Un brevet est décerné à l'OIT : "Ainsi, l'oeuvre accomplie par l'OIT se poursuivra, pour l'édification d'un monde de paix (sic), de progrès social (resic) de démocratie et de liberté (reresic)". Fermez le ban. Il s'agit donc de faire pression sur l'OIT pour qu'elle-même fasse pression sur le FMI et la Banque mondiale, afin qu'ils pratiquent une politique de "relance". Qui dit et fait mieux ?


 

PROPRIÉTÉ ÉTATIQUE OU "SOCIALE" DES MOYENS DE PRODUCTION ?

 


La partie descriptive de la section "L'économie de marché peut-elle ouvrir un avenir (et s'ouvrir un avenir) à "l'Est de l'Europe ?" contient des constatations exactes, mais que chacun peut faire. Quelques remarques sont pourtant nécessaires. Jamais en URSS et dans les pays de la partie Est de l'Europe, il n'y a eu, et il ne pouvait y avoir, de "propriété sociale" des moyens de production. Tout au plus peut-il exister une certaine propriété des collectivités locales, municipalités et autres, une certaine propriété coopérative, cela en connexion avec la propriété étatique des moyens de production. La propriété sociale des moyens de production ne pourra exister qu'à un très haut niveau de développement, un niveau bien au-dessus de celui que les forces productives ont atteint dans le cadre du régime capitaliste, et lorsque l'Etat ouvrier dépérira et que le socialisme sera en vue. Jusqu'à ce moment, il faudra se contenter de la propriété étatique des moyens de production.


Mais là aussi, les "reproclamateurs de la IVe Internationale" doivent s'aligner sur leurs amis politiques de l'EIT et du PT. Derrière les termes "propriété sociale", chacun met ce qui lui convient. Ils ont surtout l'avantage pour tous d'éliminer ce qui est la transition indispensable pour aller vers la "propriété sociale" : l'Etat ouvrier et l'appropriation par cet Etat ouvrier des moyens de production, la planification sous contrôle ouvrier.


 

À PROPOS DU RÉTABLISSEMENT DU CAPITALISME

 


Il est certain que la restauration de l'économie capitaliste dans les pays de l'Est de l'Europe et dans ceux de l'ex-URSS implique leur transformation en semi-colonies. Par contre, on ne peut nier que le retard considérable de la productivité du travail dans ces pays, par rapport à celle existant dans les pays capitalistes dominants, soit une raison de l'effondrement de l'économie planifiée, en corrélation avec sa gestion par la bureaucratie parasitaire et contre-révolutionnaire. La section I de ce rapport fait preuve d'un optimisme à bon marché. Elle nous apprend que :


"La bureaucratie du Kremlin est incapable de se transformer en une nouvelle classe bourgeoise. Bien que chaque bureaucrate aspire, comme individu, à se transformer lui-même en capitaliste, bien que nombre d'entre eux parviennent, par le vol et le pillage, à vivre dans des conditions d'opulence bourgeoise, l'incapacité de la bureaucratie, comme telle, à se transformer en classe bourgeoise renvoie à son incapacité à établir la propriété privée des moyens de production comme base d'un développement économique en Russie".


Deux questions sont ici arbitrairement mêlées : celle de la capacité de la bureaucratie de se transformer en classe bourgeoise, et celle du développement économique de la Russie. Sur la première, les rédacteurs de ce texte sont radicalement en désaccord avec Trotsky (c'est leur droit, encore faut-il qu'ils le disent). Trotsky écrit :


"Admettons cependant que ni le parti révolutionnaire, ni le parti contre-révolutionnaire ne s'emparent du pouvoir. La bureaucratie demeure à la tête de l'Etat. L'évolution des rapports sociaux ne cesse pas. On ne peut certes pas penser que la bureaucratie abdiquera en faveur de l'égalité socialiste. Dès maintenant, elle a dû, malgré les inconvénients de cette opération, rétablir les grades et les décorations ; il faudra inévitablement qu'elle cherche appui par la suite dans les rapports de production".
("La révolution trahie", dans le recueil "De la révolution", Minuit, p.605)


Plus haut :


"La prédominance des tendances socialistes sur les tendances petites bourgeoises est assurée non par l'automatisme économique - nous en sommes encore loin - mais par la puissance politique de la dictature. Le caractère de l'économie dépend entièrement du pouvoir. La chute du régime soviétique amènerait infailliblement celle de l'économie planifiée et, dés lors, de la propriété étatisée
(pas "sociale" NDLR)".


Pourquoi la couche dirigeante dans les pays de l'ex-URSS, bien que déchirée, doit-elle être toujours considérée comme étant une bureaucratie continuatrice de celle du Kremlin ? Tout simplement parce que l'essentiel des moyens de production n'a pu être privatisé en raison de la résistance, fut-elle passive, des masses qui s'y opposent. C'est cela qui a empêché qu'au moins certains des secteurs de la bureaucratie se transforment en une nouvelle classe bourgeoise. Pour ce qui concerne les pays de la partie Est de l'Europe, souvent le processus est beaucoup plus avancé. Sans doute, la résistance des masses à la privatisation vient de ce que cette dernière entraîne la liquidation de la plus grande partie des moyens de production et menace l'existence même du prolétariat.


Mais si la résistance du prolétariat était brisée, de la bureaucratie surgirait les éléments d'une nouvelle bourgeoisie, fut-elle compradore de l'impérialisme et incapable d'assurer un véritable développement économique de ces pays. Il est faux que le capitalisme ne puisse être rétabli dans la partie Est de l'Europe et dans l'ex-URSS. Tout dépend du développement de la lutte des classes dans ces pays et dans le monde.


 

UN TITRE QUI POSE UNE QUESTION À LAQUELLE LE RAPPORT NE RÉPOND PAS

 


Bien d'autres points du rapport devraient être repris : le stade actuel de la crise du mode de production capitaliste, l'impérialisme en quelque sorte progressiste du début du siècle, l'impérialisme usuraire de la fin du siècle, la "recolonisation", la "décomposition et la recomposition", "le tournant : la chute du mur", etc… Mais laissons.


Le rapport s'intitule : "Le programme de la IVe Internationale a-t-il été vérifié par les événements ?". Mais, premièrement, il réduit le programme de la IVe Internationale au "Programme de transition". Alors que celui-ci est, selon Trotsky, un programme d'action qui doit "aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles et le programme de la révolution socialiste". Et deuxièmement, le rapport ne répond pas à la question que pose son titre. Au mieux, il rejoint et s'arrête à ce qui est le point de départ du "Programme de transition" : le constat que dans le cadre du régime capitaliste, les forces productives ont cessé de croître.


Certes, en conclusion, il cite la fin de la première section du "Programme de transition", selon laquelle "la crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire". Mais il n'analyse pas concrètement en quoi ; c'est à dire la lutte vivante des classes, les réponses politiques qu'il faudrait formuler et celles que formulent les partis ouvriers-bourgeois.


Le rapport ne reprend pas la méthode, le contenu, les mots d'ordre du "Programme de transition" (ce qui fait qu'il est le programme de transition). Il ne les confronte pas à la réalité d'aujourd'hui et n'examine pas comment ils y répondent. En d'autres termes, les "reproclamateurs" font du "Programme de transition" une simple étiquette. Or, le "Programme de transition", sa méthode, son contenu, ses mots d'ordre, sont indispensables à l'action politique dont l'objectif est d'en finir avec la crise de la direction révolutionnaire, par la construction d'une Internationale et de Partis Ouvriers Révolutionnaires.


Ce n'est plus, depuis longtemps, l'objectif de Lambert et compagnie. Leurs associés politiques, ce sont les "anarchistes", les "anarcho-syndicalistes", les "réformistes" sans réformes, les apparatchiks syndicaux, lesquels dirigent de fait l'EIT et le PT. Mais, pour jouer leur rôle, il faut aux Lambert et compagnie une couverture "révolutionnaire". De là, la "reproclamation" bidon d'une "IVe Internationale" non moins bidon. Tant pis si cela les oblige à faire politiquement le grand écart.


 

UNE FOIS ENCORE : LIGNE STRATÉGIQUE ET ÉVENTUALITÉ TACTIQUE

 


Le second rapport préparatoire à la "Conférence de reproclamation de la IVe Internationale" s'intitule : "Le combat pour la reproclamation de la IVe Internationale". Différents textes sont cités pour tenter de prouver que la politique suivie, depuis au moins 1962, par la direction de ce qui était alors le "groupe Lambert" s'est concentrée dans la constitution du PT, de l'EIT et complémentairement dans la "reproclamation de la IVe Internationale".

 

Il est vrai que nombre de documents sont interprétables de différentes façons. Que plusieurs tactiques dans la construction, ou plutôt la reconstruction, de la IVe Internationale aient dû être envisagées est bien normal, et était indispensable. En raison de la crise qui a disloqué la IVe Internationale, il était possible que se forment des regroupements, des courants, des organisations voulant construire des Partis Ouvriers Révolutionnaires et une Internationale Ouvrière Révolutionnaire qui, à l'origine, ne seraient pas nécessairement la IVe Internationale et ses partis. Mais quelle était la ligne stratégique ? Le texte de la section française de 1962 le dit à sa façon :

 

"La base programmatique de l'Internationale est bien entendu intangible, ce qui ne veut pas dire que la présence dans les rangs de la IVe Internationale de tendances ouvrières révolutionnaires, qui ont avec ce programme des accords plus ou moins étendus, soit exclue, bien au contraire. Les critères pour juger ces tendances, ce sont, avant tout, leurs liens avec la classe ouvrière et leur comportement dans les grandes batailles de classes auxquelles elles ont participé". ("La Vérité" n°583, spécial 40° anniversaire de la fondation de la IVe Internationale, p.330).

 

En avril 1966, la IIIe Conférence du Comité International de la IVe Internationale votait, sur proposition de l'OCI, une résolution où il était dit :

 

"Les trotskystes organisés comme section de la IVe Internationale doivent lutter pour la construction de partis ouvriers révolutionnaires fondés sur le programme de transition de la IVe Internationale.

 

La lutte pour ce programme et pour la construction du parti constitue la base principale de leur travail dans les organisations de masse de la classe ouvrière, syndicats, et dans le travail qu'ils doivent mener en direction de la jeunesse ouvrière qui constitue le réservoir de forces vives de la IVe Internationale.

 

Tout travail de ce genre est subordonné à la tâche principale de construction du parti. La construction du parti exige la publication d'un journal capable de lutter constamment pour l'ensemble du programme du parti, de façon à élever le niveau de conscience de la classe ouvrière dans tous les domaines de la lutte des classes. Cette lutte pour le parti indépendant constitue la seule base de défense des positions de la classe ouvrière et toutes les considérations tactiques lui sont subordonnées". ("La Vérité", n°583, p.332).

 

La résolution prenait en exemple "les circonstances où la tactique de l'entrisme dans les partis ouvriers existants est rendue nécessaire" et précisait : "cette tactique est conduite de façon qui la subordonne à la tactique principale de construction du parti indépendant ", c'est à dire de partis révolutionnaires s'exprimant de façon indépendante.

Après l'éclatement du CI de la IVe Internationale en juillet 1972, sous l'impulsion de l'OCI s'est formé le Comité d'Organisation pour la Reconstruction de la IVe Internationale. C'est le CORQI qui a ouvert la perspective d'une "Conférence ouverte". Mais cette tactique a été abandonnée en 1980 lorsque, du rapprochement entre le CORQI et la "Fraction bolchevique" de Moreno est née "IVe Internationale (Comité International)". Les "Thèses pour la reconstruction de la IVe Internationale", base sur laquelle s'est formée "IVe Internationale (Comité International)" se terminent ainsi :

 

"La constitution de IVe Internationale (Comité International) signifie que s'est reconstituée, sur une base de principe, une organisation qui assure la continuité de la IVe Internationale proclamée en 1938, réorganisée à la fin de la deuxième guerre mondiale, que le révisionnisme a disloquée en 1950-1953. Dans la conjoncture présente, le développement de la lutte des classes ouvre la possibilité de la construction, dans de multiples pays, de partis, sections de la IVe Internationale ayant une influence de masse. C'est seulement à partir de la IVe Internationale (CI), sous son impulsion et dans son cadre, que de tels partis seront construits"

 

De "conférence ouverte", il n'en était plus question. Au contraire, il s'en fallut de peu pour que soit "proclamée" que la IVe Internationale était reconstruite. On est loin d'une "stratégie" rigoureusement suivie. Il s'agissait tout au plus d'une tactique éventuelle. Un an après, en décembre 1981, l'OCI devenait le Parti Communiste Internationaliste qui resurgissait après avoir disparu pendant 22 ans.


 

LA "CONFÉRENCE OUVERTE" RENAIT DE SES CENDRES

 


Las, la "IVe Internationale (Comité International)" n'a duré que quelques mois. Rapidement, elle a éclaté. Ce qui montre sur quelles "bases de principe" ses pères politiques, Lambert et Moreno, l'avaient établie.

 

Entre 1982 et 1984, va ressortir du magasin des accessoires "la stratégie de la Conférence mondiale ouverte, comme celle de la Ligue ouvrière révolutionnaire". Mais, alors, quelques principes fondamentaux étaient encore réaffirmés :

 

"Il reste (ce "reste" est magnifique, NDLR) qu'en toutes circonstances, quelle que soit la tactique ("la conférence ouverte" est redevenue opportunément tactique au lieu de stratégie ! NDLR) de construction adoptée dans chaque pays, l'affirmation d'une expression trotskyste indépendante est un principe absolu qui ne saurait souffrir d'exception. En toutes circonstances, nous devons nous assurer une complète liberté de propagande et d'agitation". (résolution du conseil général de 1984, citée dans "La Vérité" n°5, p.54)

 

Rapidement, autant en emporta le vent. Bientôt, sa direction fixa comme tâche essentielle au PCI de construire un... "Mouvement Pour le Parti des Travailleurs". "Informations ouvrières" cessa d'être l'organe du PCI, devint celui du MPPT et ensuite celui du PT. Le PCI muta : il devint un "courant du PT", le "CCI", qui n'a droit qu'à d'éventuelles "tribunes libres" dans "Informations ouvrières". D'ailleurs, que ferait le "CCI" d'un journal ? Il n'a d'autres opinions que celles des autres pseudo-courants du PT, anarchistes, anarcho-syndicalistes, réformistes, celles des apparatchiks syndicaux.

 

Circonstanciellement, au Conseil général de "IVe Internationale CIR", qui s'est tenu à Caracas en 1987, Lambert a été amené à rappeler les "grands principes". Nécessité fait loi. Il s'agissait de faire face à la tentative de liquidation de "IVe Internationale CIR" et des organisations membres que tentait Favre. Il mettait en cause le fonds de commerce politique de Lambert. Ce dernier s'est subitement souvenu, pour défendre son fonds, qu'il était "trotskyste". Cela n'a duré que le temps d'une manoeuvre.

 

On peut délaisser sans inconvénient les considérations pseudo-théoriques, développées dans maintes résolutions, pour "justifier" la "stratégie de la conférence ouverte". La pratique politique est beaucoup plus éclairante. Puisque le texte affirme que :"la Conférence de Caracas d'avril 1987 a été une matérialisation de la stratégie de la conférence ouverte" et que celle de Barcelone, en janvier 1991, a été "la première conférence ouverte", il faut le prendre au mot.


 

LA CONFÉRENCE DE CARACAS

 


Que fut la Conférence de Caracas ? Une conférence entièrement contrôlée par les castristes et adoptant leurs positions.(le supplément à "Combattre pour le socialisme" n°16 l'a démontré en détail). La lecture de la résolution adoptée à la conférence ne laisse aucun doute : elle se situe totalement sur une orientation crypto-stalinienne, englobant les illusions petites bourgeoises. On lit dès son premier paragraphe :

 

"Pendant trois jours, 200 délégués ont discuté de la grave situation économique mondiale et de ses conséquences sur le plan social, politique et économique, pour les peuples d'Amérique latine, d'Afrique, d'Asie et d'Europe, et des politiques menées par les pays capitalistes développés, des monopoles multinationaux et des grandes banques, protégés par les institutions internationales dont les plans sont pris en charge aujourd'hui par de nombreux gouvernements, soumettant les travailleurs et les peuples à l'esclavage d'une dette et de plans d'austérité qui se traduisent par le chômage, la hausse du coût de la vie et l'appauvrissement pour la grand majorité de tous au bénéfice de petites minorités privilégiées". ("Informations ouvrières", ancienne série n°1313).

 

Ensuite, est immédiatement affirmé qu'il s'agit d'une initiative se situant strictement dans la lignée de la Conférence de La Havane et dans le cadre de la politique de la bureaucratie castriste, que soutiennent les PC d'Amérique latine et nombre d'organisations petites-bourgeoises ou directement soumises à Castro :

 

"Cette unité a commencé à se forger par l'action commune qui s'est déjà développée, comme par exemple dans la journée continentale de lutte contre la dette réunie à La Havane à Cuba, et qui a constitué le premier grand acte de résistance unitaire des peuples du continent sur le mot d'ordre : "la dette est impayable et ne doit pas être payée".

 

La Conférence de Caracas a fait sien ce mot d'ordre et s'inscrit dans la continuité de cette initiative ainsi que de celles de diverses conférences et forums qui en Europe, en Asie et en Afrique, ont constitué un moment de l'unité et de l'action indépendante des peuples."

 

Enfin, vient le fatras des formules mensongères de la bureaucratie stalinienne et des crypto-staliniens, et les illusions petites-bourgeoises :

 

"La conférence reconnaît la nécessité de créer les bases d'un nouvel ordre économique international fondé sur le respect de l'autodétermination des peuples du monde entier, l'élimination de la domination des grands monopoles ; pour des relations commerciales et économiques justes et pour la fin de toute exploitation et oppression. La lutte pour un nouvel ordre économique international, c'est aussi la lutte contre la course aux armements, contre les régimes racistes comme celui d'Afrique du sud, ou les dictatures militaires comme celles du Chili et du Paraguay, qui sont la négation de toutes les libertés, des droits démocratiques et individuels."

 

Quel est donc ce mystérieux "nouvel ordre économique international" ? Quelles sont donc ces non moins mystérieuses "relations commerciales et économiques justes" ? Comment et qui peut mettre "fin à toute exploitation et oppression" ? Tout cela se situait dans le cadre de la "coexistence pacifique" et du relâchement de "la course aux armements" demandés alors par Gorbatchev et la bureaucratie du Kremlin.


 

LA CONFÉRENCE DE BARCELONE

 


Le contenu politique de la Conférence de Barcelone, où l'EIT a été formée, est donné par son "Manifeste contre la guerre et l'exploitation" (pour plus détails sur la conférence, on se reportera au supplément au n°37 de "CPS").

 

Ce manifeste, mis en exergue par "Informations ouvrières" est daté du 3 janvier 1991. Il est donc adopté juste avant que l'intervention impérialiste au Moyen-Orient se transforme en guerre ouverte contre l'Irak. Il affirme : "Nous sommes contre la guerre, les peuples et les travailleurs du monde entier sont contre la guerre"

 

Mais, surprise, dans ce "Manifeste contre la guerre", il n'est pas fait mention de l'intervention impérialiste au Moyen-Orient et de la guerre qui se prépare contre l'Irak et les peuples du Moyen-Orient ! A bien plus forte raison, n'y est-il pas question de combattre inconditionnellement avec l'Irak, pour la défaite de la coalition impérialiste. Le texte évoque la guerre en général, comme ça, sans concrétisation, alors qu'une guerre réelle, impérialiste d'un côté, de défense, juste de l'autre, est imminente. La suite est de la même encre :

 

"Nous nous prononçons en premier lieu pour la suppression des budgets militaires et l'affectation de ces sommes à des oeuvres de paix et de première nécessité. Nous nous prononçons pour le démantèlement de toutes les bases militaires dans le monde".

 

Peut-on tomber à un aussi bas niveau politique, à un pacifisme petit-bourgeois aussi lamentable ? La guerre impérialiste est le produit des contradictions du mode de production capitaliste parvenu à son stade suprême. C'est du vent, un baratin datant d'un autre âge, que de se prononcer "pour la suppression des budgets militaires", "le démantèlement de toutes les bases". Et qu'est-ce donc que les "oeuvres de paix" ? Et qui va affecter "ces sommes" à "ces oeuvres" ? Les gouvernements bourgeois ? Par l'intermédiaire de la Croix Rouge, de Médecins sans Frontières, du Secours Catholique ou du Croissant Rouge ? Ce pathos pacifiste va dans le sens du désarmement politique des populations laborieuses et de la jeunesse.

 

Les trotskystes ne sont pas contre "toutes" les guerres, car ils sont pour soutenir les guerres que peuvent mener les peuples coloniaux et semi-coloniaux contre l'impérialisme, pour soutenir les guerres révolutionnaires. En outre, leur ligne politique, c'est : Si tu veux la paix, prépare la révolution ! C'est seulement si, dans chaque pays, la classe ouvrière prend le pouvoir, liquide le régime capitaliste, si se réalisent les États-Unis socialistes d'Europe, la République Universelle Soviétique, le socialisme, que la paix sera assurée.

 

Le manifeste de la Conférence de Barcelone se termine par des phrases ronflantes :

 

"Nous affirmons notre confiance dans la capacité des travailleurs du monde entier à se libérer des chaînes de l'exploitation et de l'oppression, leur capacité à édifier un monde où la collaboration harmonieuse entre les nations et les travailleurs se substituera à ce monde de la barbarie qui monte chaque jour davantage. Gouvernements, craignez la révolte des peuples ! A bas la guerre !"

Ces roulements de tambour veulent faire accepter les fumisteries de ce "Manifeste contre la guerre et l'exploitation". Il émane à l'évidence d'une assemblée où des philistins, des regroupements nourris des mensonges et des tromperies des appareils traîtres au prolétariat, de formations bourgeoises ou petites-bourgeoises "démocratiques", et des groupuscules anarchistes ou anarcho-syndicalistes ont donné le ton. Or, c'est la direction de feu le PCI et de l'ex-"IVe Internationale-CIR" qui fut l'initiatrice, la force motrice, l'organisatrice de cette "conférence mondiale ouverte". On mesure sa dégénérescence ; elle n'a plus rien à envier au pablisme.


 

DE L'APPEL DES 75, À : "CESSEZ LE FEU, NÉGOCIATIONS !"

 


Le rapport "Le combat pour la reproclamation de la IVe Internationale" cite une résolution qui aurait été adoptée par un "secrétariat international élargi" de février 1991, résolution qui prétend effrontément :

 

"Nous refusons de nous associer à tout appel, résolution... qui réclamerait le "retrait des troupes irakiennes du Koweït", ce qui n'équivaut pas à une position "pacifiste", mais à la capitulation devant l'impérialisme.

 

Ce qui ne signifie pas que sur nos propres mots d'ordre nous ne participons pas à des manifestations à laquelle participent des organisations, groupements, qui se situent sur cette position de capitulation mais qui affirment s'opposer à la guerre.

 

La position des staliniens est précisément d'exiger le retrait des troupes irakiennes du Koweït, mais ils n'ont pu jusqu'à maintenant, en raison de leur crise, en faire une condition. ce n'est pas sur cette position que s'est réalisée l'unité circonstancielle et limitée avec le PCF exprimée dans l'Appel des 75.

 

C'est pourquoi nous défendons ce cadre contre toute tentative de le briser comme instrument qui actuellement aide au front unique. Non que l'appel soit une charte immuable, mais aujourd'hui ce qu'il contient constitue un obstacle à toutes les tentatives de briser les éléments de réalisation de front unique dans une lutte effective contre la guerre.

 

Nous cherchons à utiliser aussi efficacement que possible ce point d'appui dans la voie de la mobilisation des masses contre la guerre et contre le gouvernement qui la mène et qui est celui qui met en place, au nom de la guerre, l'ensembles des plans anti-ouvriers". ("La Vérité" n°5, p.68).

 

L'"Appel des 75", après maintes considérations pacifiques, se termine de cette façon : "Le samedi 20 octobre, en France, nous devons, toutes et tous, signifier clairement à ceux qui nous gouvernent que nous refusons la guerre et exigeons la recherche d'une solution négociée (soulignée par "CPS") et le retrait des troupes françaises, américaines et britanniques". L'ordre des mots est important : d'abord, "solution négociée", ensuite, "retrait des troupes".

 

Que dit le "serment" ridiculo-pacifiste prononcé le 4 décembre 1990, par 2 000 à 2 500 personnes, principalement les militants et sympathisants du PCI, à l'issue d'un meeting à la Mutualité ?

 

"Les peuples ne veulent pas la guerre. Ils savent qu'elle n'apporte jamais de solutions satisfaisantes, mais sème la barbarie et l'injustice sur son passage. Nous, femmes, hommes et jeunes épris de paix, prenons l'engagement ferme et solennel de tout mettre en oeuvre pour empêcher la guerre dans le golfe qui vise à préserver des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

 

Que ceux qui nous gouvernent et ont armé les dictatures sachent qu'ils nous trouveront en face d'eux s'ils déclenchent les hostilités. Immédiatement et partout, nous descendrons dans la rue pour faire entendre notre colère.

 

Tous ensemble, nous faisons le serment de ne pas relâcher nos efforts aussi longtemps qu'une paix juste et durable ne sera pas assurée, aussi longtemps que n'auront pas été retirées les troupes américaines, françaises et britanniques.

 

Non, il n'y aura pas la guerre. Les peuples unis et solidaires ne le permettront pas".

 

Lamentable et triste. il aurait fallu organiser l'action politique pour contraindre les dirigeants des organisations syndicales (CGT, FO, FEN) et politiques de la classe ouvrière à rompre avec le gouvernement de l'impérialisme français et la coalition impérialiste, à combattre en front unique au côté de l'Irak et des peuples du Moyen-Orient, à dénoncer les résolutions de l'ONU, à lutter pour le retrait, immédiat et inconditionnel, des troupes impérialistes du Moyen-Orient , d'abord et avant tout (puisque nous sommes en France), des troupes françaises, à organiser le boycott du corps expéditionnaire.

 

Au lieu de cela, "les 75" font adopter un texte qui substitue à la conscience de classe du prolétariat, à son organisation, la conscience et l'engagement des individus, une morale "pacifiste" propre aux "femmes, hommes et jeunes épris de paix". La lutte des classes du prolétariat est remplacé par un "serment" qui n'est rien d'autre qu'une rodomontade. Le tout assaisonné de l'illusion réformiste sur "la paix juste et durable". L'illusion petite-bourgeoise submerge et balaie les enseignement de plus d'un siècle de lutte révolutionnaire : Si tu veux la paix, prépare la révolution ! Seule la victoire de la révolution prolétarienne mondiale (pas exactement le pacifisme) et la construction du socialisme assureront la "paix juste et durable".

 

Le serment se conclut par une nouvelle rodomontade politiquement désarmante : "Il n'y aura pas la guerre" et finalement accusatrice : "Les peuples unis et solidaires ne le permettront pas". Ce qui revient à dire : s'il y a tout de même la guerre (et, comme on sait, il y a eu la guerre), c'est que... les peuples ne sont pas unis, les peuples ne sont pas solidaires, et en sont donc responsables.

 

Voila ce qui a résulté de la "stratégie de la conférence ouverte".


 

 

 

LA "LIGNE DE LA DÉMOCRATIE"...

 


Un troisième rapport a été soumis à la "conférence des sections de la IVe Internationale". Il est intitulé : "La conférence mondiale des sections de la IVe Internationale doit-elle procéder à la reproclamation de la IVe Internationale ?" et sous-titré : "Rapport écrit soumis à la discussion lors de la conférence des sections de la IVe Internationale".

 

C'est une resucée des rapports précédents, avec quelques ajouts qui font de grandes révélations : dans la deuxième section il est écrit que les partis de la IIe Internationale, les partis staliniens, les pablistes, etc. ne seraient pas, ou plus, pour la suppression de la propriété privée des moyens de production ; qu'ils défendent le régime capitaliste et même la forme, en place, dans chaque pays, de domination politique de la bourgeoisie ("La Vérité" nouvelle série n°7, p.27...). Incontestablement, ce sont des découvertes qui enrichissent la science.

 

Malheureusement, il faut signaler un manque : il n'y est pas question du rôle que jouent les appareils syndicaux dans la défense du régime capitaliste en crise, dans la défense de la propriété privée des moyens de production, dans la défense des systèmes politiques en place de domination de la bourgeoisie. Honni serait celui qui mal y penserait et dirait que c'est une manifestation de la subordination du mini-appareil de l'ex-PCI au grand appareil de Force Ouvrière.

 

Toute une section est consacrée à la "ligne de la démocratie dont le peuple définira lui-même la forme et le contenu". Cette partie commence par faire tourner le Soleil autour de la Terre. Il paraît que : "Sous la direction du FMI, de la Banque Mondiale, de la CEE, le capitalisme pourrissant organise la famine pour des centaines de millions, des milliards d'être humains, adultes, enfants" ("La Vérité" n°7, p.39). Jusqu'alors, des "gens" simplistes croyaient que c'était les impérialismes qui avaient constitué le FMI, la BM, etc. et les dirigeaient, en d'autres termes que ces derniers étaient leurs instruments, et non l'inverse.


 

... ET TROTSKY

 


Pour tenter de justifier la "ligne de la démocratie", l'auteur ou les auteurs de ce texte n'hésitent pas : ils font appel à Trotsky, en mutilant ses écrits et en les falsifiant :

 

"Pendant de nombreuses décennies, à l'intérieur de la démocratie bourgeoise, se servant d'elle et luttant contre elle, les ouvriers édifièrent leurs fortifications, leurs base, leurs foyers de démocratie prolétarienne (souligné par "CPS") : syndicats, partis, clubs d'éducation, organisations sportives, coopératives".

 

A ce point, les susdits auteurs coupent ce que dit Trotsky en 1932. Il faut réparer cette regrettable panne de stylo, d'autant que la référence qu'ils fournissent est très vague. Voici la suite :

 

"Le prolétariat peut arriver au pouvoir non dans le cadre formel de la démocratie bourgeoise, mais seulement par la voie révolutionnaire : ceci est démontré aussi bien par la théorie et par l'expérience. Mais c'est précisément pour cette voie révolutionnaire que le prolétariat a besoin des bases d'appui de la démocratie ouvrière à l'intérieur de l'Etat bourgeois. C'est à la création de telles bases que s'est réduit le travail de la IIe Internationale, à l'époque où elle remplissait encore un travail historiquement progressiste". ("Et maintenant ? La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne" dans le recueil "Comment vaincre le fascisme").

 

L'auteur ou les auteurs du rapport, non seulement falsifient, mais ils prennent leurs lecteurs pour des ignorants et des imbéciles. Trotsky distingue avec soin et insistance démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne. Il appelle à défendre les conquêtes faites par la classe ouvrière dans le cadre, mais en luttant contre, la démocratie bourgeoise. Il ne parle pas de "la démocratie" sans la caractériser socialement.

 

Traitant de la démocratie bourgeoise, Trotsky précise en 1938 :

 

"Pour ce qui est du capitalisme avancé, il a non seulement dépassé depuis longtemps les anciennes formes de propriété, mais aussi la démocratie bourgeoise. C'est en cela précisément que consiste la crise fondamentale de la civilisation contemporaine. La démocratie impérialiste pourrit et se désagrège. Le programme de la "défense de la démocratie" pour les pays avancés est un programme de réaction. La seule tâche progressiste est ici la préparation de la révolution socialiste internationale". ("Œuvres 1933-1940", tome 19, ILT, p.67).

 

Il est absolument contradictoire d'affirmer que "les forces productives ont cessé de croître" et en même temps de se situer sur "la ligne de la démocratie". Quant à la formule "dont le peuple déterminera la forme et le contenu", c'est une de ces jongleries dont Lambert a l'habitude. Trotsky ne parle pas de "peuple", mais de classes. Il dit mot à mot : "Le prolétariat peut arriver au pouvoir non dans les cadres formels de la démocratie bourgeoise, mais seulement par la voie révolutionnaire". C'est le prolétariat et non "le peuple" qui, en prenant le pouvoir, déterminera "la forme et le contenu" de la "démocratie" et ce seront la "démocratie prolétarienne", la dictature du prolétariat. Une organisation authentiquement trotskyste a le devoir de le dire et de combattre ouvertement pour.


 

DÉFENSE DES LIBERTÉS DÉMOCRATIQUES

 


La défense des libertés démocratiques, dont a besoin le prolétariat, la défense de ses conquêtes et acquis n'a rien à voir avec la "ligne de la démocratie", sinon que celle-ci s'oppose à celle-là. Trotsky poursuit :

 

"Cela ne signifie pas, encore une fois, une attitude d'indifférence envers les méthodes politiques actuelles de l'impérialisme : dans tous les cas où les forces contre-révolutionnaires tentent de revenir de l'Etat "démocratique" pourrissant, en arrière, vers le particularisme provincial, vers la monarchie, la dictature militaire, le fascisme, le prolétariat révolutionnaire, sans prendre sur lui la moindre responsabilité pour la "défense de la démocratie" (elle n'est pas défendable) opposera à ces forces contre-révolutionnaires une résistance armée, pour, en cas de succès, diriger son offensive contre la "démocratie" impérialiste". ("Œuvres", tome 19, p.67).


 

DE L'OPPORTUNISME AU "GAUCHISME"

 


A propos du "Front unique, front unique anti-impérialiste", les rédacteurs du rapport "La conférence mondiale des sections de la IVe Internationale doit-elle procéder à la reproclamation de la IVe Internationale ?" sont sans vergogne. Ils publient un extrait de l'article de Trotsky de novembre 1922, "Le gouvernement ouvrier en France", qui définit une politique radicalement contraire à celle qu'ils ont appliquée depuis 1981.

 

En un premier temps, aux élections présidentielles de 1981, ils ont appelé à voter dès le premier tour pour Mitterrand, "tactique" que par principe, Trotsky condamnait :

 

"L'idée de proposer aux élections présidentielles un candidat du front unique ouvrier est une idée radicalement erronée. On ne peut proposer un candidat que sur la base d'un programme défini. Le parti n'a pas le droit de se refuser, au cours des élections, à la mobilisation de ses adhérents et au dénombrement de ses forces" ("Et maintenant ? La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne").

 

C'était faire siennes, de fait, les "110 propositions" qui servaient de programme à Mitterrand. Jusqu'au moins en 1983, ils ont apporté un "soutien critique" au gouvernement que Mitterrand a constitué, notamment au gouvernement "d'Union de la gauche". La fameuse formule "Le gouvernement à la croisée des chemins" exprime ce que fut cette politique.

 

Corrélativement, ils ont condamné l'orientation visant à la mobilisation des masses en s'appuyant sur le fait qu'il y avait une majorité de députés du PS et du PCF à l'Assemblée nationale, politique que la formule suivante concentrait : "Dirigeants des centrales et organisations syndicales, appelez en commun la classe ouvrière à une gigantesque manifestation à l'Assemblée nationale sur les mots d'ordre : députés du PS et du PCF, rompez avec la bourgeoisie, décidez la formation d'un gouvernement sans ministre représentant des organisations et partis bourgeois, un gouvernement qui donne satisfaction aux revendications du prolétariat et de la jeunesse, mette en cause le régime capitaliste générateur de la crise !"

 

Ils se sont en réalité opposés à l'utilisation de la méthode et du contenu du "Programme de transition" dont l'axe est la lutte pour le gouvernement ouvrier.

 

A partir de 1985-86, ils ont pratiqué une politique de style ultra-gauche, que synthétise bien leur refus d'appeler à voter au second tour d'élections pour le candidat PS ou PCF arrivé en tête, ou pour les candidats des partis ouvriers-bourgeois au premier tour. Il s'est agi d'une adaptation toujours plus étroite à la politique de l'appareil FO. après cela, quelle valeur peuvent avoir les gloses sur le front unique ouvrier, sur le gouvernement ouvrier et paysan. Ce sont des tentatives pour peindre aux couleurs du trotskysme une politique qui subordonne la classe ouvrière à la bourgeoisie, en France via l'appareil FO. Le plus récent et démonstratif exemple en est la "journée d'action" du 12 octobre.


 

LA "JOURNÉE D'ACTION" DU 12 OCTOBRE 1993

 


Après des tractations par téléphone (dixit Blondel, secrétaire général de FO), les bureaux confédéraux FO et CGT se sont mis d'accord sur le scénario suivant : le bureau confédéral FO a appelé les travailleurs "à manifester massivement leur mécontentement le mardi 12 octobre en fin d'après-midi" et le bureau confédéral CGT lui a emboîté le pas. L'ensemble des dirigeants syndicaux de la SNCF, de la Poste, des Télécom, d'Air France, ont dû appeler les personnels de ces entreprises à une grève de 24 heures. Ici et là, soit les dirigeants FO et CGT, soit seulement FO, ont impulsé des débrayages, comme à la RATP.

 

La date a été soigneusement choisie pour permettre à l'Assemblée nationale de délibérer sur la "loi quinquennale pour l'emploi" et de la voter en toute quiétude. Le 5 octobre, c'était fait. Selon "La lettre (de FO) à tous les travailleurs (actifs, retraités, pensionnés, chômeurs) et à leurs organisations syndicales", les revendications pour lesquelles cette journée d'action devait avoir lieu étaient : "contre le chômage, pour l'emploi, pour le gel immédiat de tous les licenciements, pour l'augmentation des salaires, retraites, pensions et allocations, pour la défense des services publics". Aucune revendication spécifiquement dirigée contre la loi quinquennale sur l'emploi ne figure sur cette liste.

 

Il s'agissait d'une de ces "journées d'action" classiques, disloquées et disloquantes, par lesquelles les appareils syndicaux s'efforcent de saboter toute mobilisation réelle et efficace de la classe ouvrière.

 

La question centrale du moment, c'est le combat contre la "loi quinquennale pour l'emploi" qui met en cause des acquis, des conquêtes essentielles du prolétariat. Cette loi a une importance politique capitale. Elle est une sorte de déclaration de guerre de Balladur à la classe ouvrière. Or, sur un coup de sifflet de ce dernier, le 6 septembre, tous les dirigeants syndicaux se sont précipités à la réunion de "concertation", de "participation" qu'il a organisée pour "affiner" son projet de loi quinquennale. Et cela, bien que le même Balladur ait expliqué, sans fard, que la "participation" était indispensable à l'application de sa politique. Aujourd'hui, le mot d'ordre central de toutes les organisations ouvrières devrait être : A bas la loi quinquennale sur l'emploi. Au contraire, les dirigeants syndicaux se sont employés à ce qu'elle soit votée sans coup férir et se préparent à contribuer à son application. Car cette loi est par excellence une loi qui organise la "participation". Son application devrait être "négociée" aux niveaux des branches et des entreprises entre le patronat et les dirigeants syndicaux.. Et les appareils syndicaux se préparent à le faire.

 

Que dit, que fait, le PT, et par conséquent le CCI ? Ils couvrent totalement la politique de l'appareil FO. Ainsi, "IO" n°97, en date du 29 septembre 1993, titre :

 

"Les travailleurs réalisent et font réaliser L'UNITÉ, pour : l'arrêt des licenciements, l'augmentation générale des salaires, la défense des régimes de retraite et de protection sociale"

 

Comme dans la lettre du bureau confédéral FO, le mot d'ordre déterminant : A bas la loi quinquennale sur l'emploi est absent. Dans l'éditorial du même numéro, Gluckstein écrit :

 

"De l'autre côté aussi, les forces se regroupent. Jour après jour, de Maubeuge à la SNCF, des PTT à la Sécurité sociale, grandit le mécontentement ouvrier et populaire. Jour après jour, dans les grèves et manifestations, les travailleurs réalisent l'unité, ils font réaliser l'unité sur les revendications qui opposent la défense des intérêts ouvriers aux exigences de la classe capitaliste de flexibilité, de déréglementation et de baisse du pouvoir d'achat. Que dans ce contexte, Marc Blondel, au nom de la confédération Force ouvrière, appelle à manifester le 12 octobre pour le gel des licenciements, l'augmentation générale des salaires et la défense des régimes de retraite et de protection sociale...Que Louis Viannet, au nom de la CGT, appelle à se joindre à ces manifestations : c'est là un pas dans la bonne direction, celle de l'unité des travailleurs et des organisations."

 

C'est clair. Ils appellent "politique de Front unique" ce qui est une politique de couverture des appareils syndicaux, lesquels trahissent, au nom de "l'unité", autant et plus que jamais, les intérêts du prolétariat, et sont au service du capital, de la bourgeoisie.

 

Complémentairement, "IO" met au centre de ses attaques les gouvernements qui ont précédé au pouvoir le gouvernement RPR-UDF, le gouvernement Balladur. Leur responsabilité est évidente, mais celui auquel il faut aujourd'hui faire face et qu'il faut vaincre, c'est le gouvernement RPR-UDF. "Informations ouvrières de Loire atlantique" parle clair ; dans son n°18, de septembre 1993, on lit :

 

"Cette journée internationale du 6 novembre trouve bien toute sa dimension en Loire atlantique. Le Parti des travailleurs a commencé à la préparer en combattant pour la défaite de Claude Evin, l'instigateur de la CSG, l'usurpateur qui osait se présenter comme député dans la 8° circonscription de Saint-Nazaire" (p.1).

 

Et qui fut élu à quelques voix près ? Un RPR. C'est exactement la politique du social-fascisme : "plutôt Hitler que la social-démocratie". Certes la politique qu'Evin et consort ont pratiquée consistait à défendre les intérêts de la bourgeoisie au détriment de la classe ouvrière. Que dire alors du SPD qui a fait assassiner Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, qui porte la responsabilité de la défaite de la révolution allemande ? C'était le prétexte qui a utilisé le KPD pour justifier sa politique du "social-fascisme". On connaît le résultat. La politique "Plutôt le RPR et l'UDF que le PS et le PCF" ne peut donner de meilleurs résultats pour le prolétariat.


 

COMBATTRE POUR LE FRONT UNIQUE DES ORGANISATIONS OUVRIERES

 


Le combat pour le front unique des organisations ouvrières peut se résumer en quelques mots. Il s'agit de l'agitation dans le prolétariat pour :

          - qu'il impose aux organisations ouvrières (partis et syndicats) qu'ils rompent avec la bourgeoisie ;

          - qu'il impose aux dirigeants des centrales syndicales, des syndicats, qu'ils en finissent avec la "participation", qu'ils démissionnent du haut en bas de ses organismes, les boycottent, organisent leur boycott ;

          - qu'il impose aux organisations ouvrières qu'elles réalisent le front unique, pratiquent une politique de combat contre le gouvernement Balladur, le gouvernement RPR-UDF, pour le chasser (politique dont le premier mot d'ordre devrait être aujourd'hui : A bas la loi quinquennale sur l'emploi).

 

Les revendications de rattrapage du pouvoir d'achat et de son augmentation sont indispensables, comme celles de défense des conquêtes de la classe ouvrière. Elles doivent être accompagnées par celles d'échelle mobile des salaires, le refus des licenciements, la réduction du temps de travail sans diminution des salaires. Les revendications d'annulation des lois, décrets, circulaires, mettant en cause les conquêtes et acquis sociaux de la population laborieuse et de la jeunesse, disloquant l'enseignement public, etc. ne doivent pas être oubliées.

 

Elles sont d'autant plus indispensables que s'approfondit la crise du régime capitaliste et que le prolétariat n'a pas à accepter d'en être la victime. Pour autant, on ne peut faire abstraction de cette crise. Ainsi, en découle la nécessité d'un plan de production, élaboré et réalisé sous contrôle ouvrier. Mais cela va directement à l'encontre du régime capitaliste et met en cause son existence d'autant plus qu'il est en crise. Rien de cet ensemble ne vaut, sans que soit posée la question du gouvernement, du pouvoir politique, de la nature de l'Etat. C'est pourquoi il faut insérer ces revendications, cet ensemble de revendications, dans une politique ayant comme objectif d'imposer par la force du prolétariat un gouvernement du front unique des organisations ouvrières, sans ministres membres d'organisations ou de partis bourgeois, transition vers un authentique gouvernement ouvrier.


 

À PROPOS DU "FRONT UNIQUE ANTI-IMPÉRIALISTE"

 


En pratique, la "IVe Internationale-CIR" a fait du "front unique anti-impérialiste" l'axe de sa politique dans les pays semi-coloniaux. Au contraire de ce que prétend Lambert ("La Vérité" n°7, p.53), la leçon de l'erreur que fut la caractérisation, dans les années 50, du peuple algérien comme un "peuple-classe" n'a pas été tirée. Lui et ses amis ont été plus loin encore. L'éditorial de "Tribune internationale" n°17 de septembre 1983, qui rend compte de la Conférence de Bogota, explique notamment :

 

"C'est pourquoi les pays opprimés parmi lesquels se trouvent les États d'Amérique latine se trouvent dans une situation où l'impérialisme yankee tente de s'emparer d'une partie de plus en plus grande de la plus-value, ou de s'approprier sa totalité (souligné par "CPS").

 

Rien de moins ! Que l'impérialisme s'efforce de s'approprier le plus possible de plus-value, c'est dans sa nature, ou plus exactement dans la nature du mode de production capitaliste : tout groupe capitaliste, chaque capitaliste individuel s'efforce de s'approprier le plus possible de la plus-value produite et réalisée. Qu'en temps de crise, cette tendance s'exacerbe d'autant que chute le taux de profit , c'est une certitude.

 

Mais il y a une différence qualitative entre s'approprier "une partie de plus en plus grande de la plus-value" et "s'approprier sa totalité". La dernière formulation est théoriquement absurde :


          1) Le capital ne peut exister que sous la forme d'une multitude de capitaux, dans chaque pays et à l'échelle internationale. Et il n'y a capital qu'en tant qu'il y a profit plus ou moins grand , profit qui provient de la plus-value produite et réalisée.


          2) Si une puissance impérialiste pouvait s'approprier la totalité de la plus-value produite et réalisée, il ne pourrait y avoir d'autres bourgeoisies, fussent-elles compradores.

 

Le mouvement objectif du capital, qui suppose une multiplicité des capitaux, qu'à côté des capitaux anciens, et souvent les éliminant, se constituent de nouveaux capitaux, s'oppose à la conception de Kautsky d'un super-impérialisme. Encore bien moins peut-il exister une sorte de mono-impérialisme qui liquiderait les bourgeoisies des autres pays. Cette absurdité a été proférée pour des raisons politiques : "justifier théoriquement" la collaboration avec des bourgeoisies qui seraient menacées d'être liquidées, par l'impérialisme américain principalement.


 

LE COMBAT SUR LA LIGNE DE LA RÉVOLUTION POLITIQUE

 


Tout un long développement "L'effondrement des bureaucraties et la révolution politique" prend place dans ce rapport. Sous le titre, on lit : "Cette partie a été rédigée sous forme de notes et sera complétée par la suite" ("La Vérité" n°7, p.55). Voilà une façon très particulière de forger des bases d'airain à la "reproclamation de la IVe Internationale".

 

Sans entrer dans le détail, on peut accepter, en gros, nombre de développements de cette section. Mais, hélas, la révolution politique y brille par son absence. On peut seulement lire, en ce qui concerne le combat que doivent mener "les travailleurs" de l'ex-URSS et des pays de la partie Est de l'Europe :

 

"Il s'agit aujourd'hui pour les travailleurs de l'ex-URSS et des pays de l'Est, du combat contre la privatisation, pour le droit au travail, pour le droit à un salaire et des retraites décents, pour le droit à la santé et à l'instruction". ("La Vérité" n°7, p.65)

 

Rien qui soit au-dessus du simple trade-unionisme, alors qu'il n'y a, en particulier dans les pays où le capital a été exproprié, que des solutions politiques aux problèmes auxquels le prolétariat est confronté. La propriété des moyens de production qui y existe est, en général, pas "sociale" mais étatique. S'élever contre la privatisation, cela exige de défendre la planification de l'ensemble de la production dans laquelle s'insère la production de chaque entreprise. Même si elles ne sont pas privatisées (celles qui sont transformées en coopératives, par exemple), les entreprises livrées à elles-mêmes subiraient la loi du marché. Finalement, celles qui ne seraient pas compétitives, qui ne réaliseraient pas de profits, seraient éliminées. D'autres seraient reconverties, restructurées, etc. En dernière analyse, la privatisation en résulterait obligatoirement.

 

Pourquoi une révolution politique est-elle nécessaire ? Parce que la défense des conquêtes de la Révolution d'Octobre, des rapports de production qui en ont résulté, exige que le prolétariat s'empare du pouvoir, balaye la bureaucratie, refonde l'Etat soviétique, rétablisse la dictature du prolétariat, fasse revivre la démocratie ouvrière. Ainsi pourra être élaborée une planification équilibrée, rationnelle, répondant aux besoins des masses, placée sous contrôle ouvrier. Le supplément du 14 septembre 1991 de "Combattre pour le socialisme" écrivait :

 

"A l'orientation de destruction de la propriété étatique, de liquidation des entreprises, de réintroduction du mode de production capitaliste, de chômage massif, de la misère et de la faim, il faut opposer celle de la satisfaction des revendications des ouvriers, des travailleurs des différentes couches productrices, de la jeunesse ; de la garantie de l'emploi et du pouvoir d'achat. Ce n'est possible que si l'économie est arrachée des mains des liquidateurs, des agents de la restauration capitaliste, des néo-bourgeois et aspirants bourgeois provenant de la bureaucratie, et est placée sous le contrôle du prolétariat. Mais pour cela, il faut que le pouvoir politique soit repris par la classe ouvrière s'appuyant sur toutes les couches de producteurs.

 

Dans chaque République et à l'échelle de l'Union, l'organisation et la tenue de congrès d'ouvriers, de paysans, de producteurs, sont indispensables. Ils auront à répondre aux questions qui se posent au prolétariat : de la gestion de l'économie et de son orientation, à la liquidation des organes et corps de l'Etat hérités du pouvoir bureaucratique et dirigés par des néo et pro-bourgeois ; aux rapports entre les Républiques ; à la question du pouvoir. Particulièrement urgente est la revendication du contrôles des ouvriers, des paysans, des producteurs sur les stocks, les moyens de consommation, les moyens de production, la production, la distribution, pour l'élaboration et la réalisation d'un plan économique correspondant aux moyens économiques et aux besoins des masses."

 

Les mots d'ordre qui sont axés sur la destruction des organes de la bureaucratie sont plus que jamais d'actualité :

          - Liquidation immédiate du KGB, de la milice, des différentes forces répressives, du corps des officiers ;

          - Organisation et armement de la classe ouvrière, de la population laborieuse, de la jeunesse.


 

DES PHRASES CREUSES ET MENSONGERES

 


Mais les "reproclamateurs de la IVe Internationale" et leurs compagnons politiques de l'EIT et du PT ont l'art de tout mélanger, et aussi de forger des couteaux sans lame. La "lutte contre la privatisation" en est un exemple. Sous cette formule, est mis un signe égal entre la propriété étatique des moyens de production et les nationalisations qui ont été réalisées par l'Etat bourgeois pour sauver globalement l'économie capitaliste et la propriété privée des moyens de production.

 

Dans un cas, l'expropriation du capital a été réalisée. Il s'agit de balayer la bureaucratie et de reconstruire l'Etat ouvrier. Dans l'autre cas, que telle ou telle entreprise soit nationalisée ou non, ce sont les normes de fonctionnement et d'exploitation du mode de production capitaliste qui y sont en vigueur. Bien sûr, les privatisations sont l'occasion pour le capital d'aggraver l'exploitation, de mettre en cause la garantie de l'emploi, les qualifications, les acquis que les travailleurs de ces entreprises ont pu arracher. Donc, nous sommes contre. Cependant, s'opposer aux privatisations n'a pas de sens si l'objectif général affirmé n'est pas d'exproprier le capital. Pour réaliser cette tâche, il faut combattre pour que le prolétariat prenne le pouvoir, établisse sa dictature, construise un Etat ouvrier.

 

De toute façon, les "reproclamateurs de la IVe Internationale" brandissent des couteaux sans lame. Leur politique est celle que pratiquent l'EIT et le PT. La IIe Conférence de l'EIT a commis un manifeste. On pet y lire que : "L'Entente internationale se prononce contre les privatisations" ("Informations ouvrières" n°84) et même, elle déclare que :

 

"Tant que les principales forces productives de la société seront entre les mains des grandes banques et des grandes institutions internationales, tant qu'elles seront dominées par la recherche du profit, alors la spéculation tendra toujours à prendre le pas sur la production, et la lutte entre différents groupes et les différents États prendra un caractère de plus en plus destructeur".

 

Les titres des sections sont, pêle-mêle :

 

"L'Entente internationale se prononce contre la guerre"... "L'entente internationale se prononce pour le doit des peuples à disposer d'eux-mêmes"... "L'entente internationale se prononce pour la défense des organisations indépendantes et des conquêtes de la classe ouvrière"... "L'entente internationale se prononce pour le droit des femmes et de la jeunesse"... "L'entente internationale se prononce contre les délocalisations"...

 

Et enfin sous l'intitulé : "Construire, reconstruire l'Internationale ouvrière"... pour "défendre les intérêts ouvriers et la démocratie" :

 

"Nous constatons aussi que partout dans le monde, des groupes, des organisations, des courants affirment la nécessité de rester fidèles aux exigences et aux mots d'ordre de la démocratie, du doit des peuples à disposer d'eux-mêmes, de l'indépendance de la classe ouvrière et de ses organisations, du combat pour l'avènement d'un ordre social où les richesses produites ne soient pas source de profits pour quelques uns, mais source de bien-être pour les travailleurs et les peuples eux-mêmes".

 

C'est une collection de ces phrases dont Lénine disait qu'elles sont creuses et mensongères. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elles n'expriment pas la dure réalité : il n'y a de solution que par la révolution prolétarienne, qui unit révolution sociale et politique ; et pour qu'elle soit victorieuse, il faut construire, sur le programme de cette révolution, une Internationale Ouvrière Révolutionnaire et des Partis Ouvriers Révolutionnaires.

 

Au contraire, voici un exemple des réponses de l'EIT :

 

"Nous affirmons: ce n'est pas le coût du travail qu'il faut réduire, c'est le coût de la spéculation ! Et ces milliards de dollars de la spéculation, nous exigeons qu'ils soient confisqués afin de financer une réelle relance de l'économie mondiale fondée sur la hausse générale de la consommation et de la production".

 

En somme, l'EIT se prononce pour un régime capitaliste "propre et honnête". D'ailleurs, la "Conférence mondiale" n'a-t-elle pas décidé de reprendre une proposition de la IIe "Rencontre latino-américaine des travailleurs pour la défense des entreprises et services publics" qui s'est tenue en juillet 1992 : "Organiser une délégation internationale de tous les continents au FMI, à Washington". Comme si une délégation au FMI pouvait faire avancer d'un seul millimètre les revendications du prolétariat. En réalité, c'est dévier le prolétariat des objectifs qui devraient être les siens - le pouvoir dans chaque pays, et pour l'Amérique latine, les États-Unis Socialistes d'Amérique Latine - vers des buts fantaisistes.


 

QUELLE INTERNATIONALE FAUT-IL CONSTRUIRE ?

 


Le "Manifeste" de l'EIT prétend que sa "démarche s'inscrit dans un processus historique, celui de l'Association Internationale des Travailleurs" ("Informations ouvrières" n°84). Outre que ce n'est pas l'AIT, la I° Internationale, qu'il faut maintenant construire (mais une Internationale intégrant les acquis théoriques et politiques des I°, IIe, IIIe et IVe Internationales), cette référence à l'AIT est une escroquerie. Grâce à Marx et à Engels, et en dépit de tous les "démocrates", les statuts de la I° Internationale stipulaient :

 

"Dans sa lutte contre le pouvoir collectif des classes possédantes, le prolétariat ne peut agir comme classe qu'en se constituant en parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis formés par les classes possédantes. Cette constitution du prolétariat en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la révolution et de son but suprême : l'abolition des classes". ("Œuvres choisies", Progrès, tome 2, p.306)

 

Autrement dit, l'AIT était axée sur la révolution prolétarienne, la prise du pouvoir par le prolétariat.


 

ET LES ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE ?

 


Le rapport intitulé "Le combat pour la reproclamation de la IVe Internationale" explique qu'en 1984 : "La volonté apparaît de déterminer clairement une ligne par rapport à la CEE et à la politique des différents gouvernements. Ainsi, la déclaration suivante est adoptée :

 

"En Europe, la brutale nécessité d'en finir avec le régime du profit, le régime capitaliste, se conjugue à celle de balayer les bureaucraties parasitaires qui, là où le capital a déjà été exproprié, gèrent les sociétés selon leurs besoins en spoliant et en opprimant les travailleurs et les peuples.

 

De la situation dans tous les pays s'impose la nécessité des États-Unis Socialistes d'Europe qui s'exprime dans chaque pays capitaliste, et donc les pays concernés par les élections européennes, par le combat pour la rupture des organisations ouvrières avec la bourgeoisie.

 

Les États-Unis Socialistes d'Europe en finiront avec les barrières artificielles dressées entre l'Ouest et l'Est de l'Europe par l'impérialisme et la bureaucratie du Kremlin, avec les oppressions nationales et par conséquent, permettront la coopération dans le respect de chacun et de tous les peuples". ("La Vérité", nouvelle série n°5, p.57)

 

Qu'en est-il advenu ? Bien que dans la partie Est de l'Europe, les régimes subordonnés au Kremlin se soient effondrés, que la bureaucratie du Kremlin se soit déchirée et que l'URSS se soit disloquée, la perspective des États-Unis Socialistes d'Europe n'est plus ouverte par les "reproclamateurs de la IVe Internationale" aux prolétaires de ces pays. Ils ne leur ouvrent d'ailleurs aucune perspective politique.

 

Le PT a décidé de présenter une liste aux élections "européennes" du 12 juin 1994 sur la plate-forme suivante :

 

"Pour l'union des peuples libres (?) dans une Europe des droits (?) et de la démocratie (?). Pour une Europe des travailleurs et des peuples garantissant la paix par le retrait de toutes les forces militaires étrangères engagées sous contrat de l'ONU. Pour une Europe qui garantisse la prospérité des peuples, le droit au travail, à l'éducation, à la santé, à un avenir pour les jeunes générations par l'affectation à un plan de relance des centaines de milliards actuellement consacrés à l'armée et à la guerre et la confiscation des milliards et milliards qui sont accaparés par la spéculation" ("Informations ouvrières" n°96).

 

Comment qualifier une telle mélasse pacifico-progressiste, une telle dégénérescence, un tel mépris du programme sur lequel fut fondée la IVe Internationale ?


 

À PROPOS DE L'ACCORD ENTRE LA DIRECTION DE L'OLP ET LE GOUVERNEMENT D'ISRAEL

 


Un autre fait est significatif. Dans le "Manifeste de l'EIT", on lit : "L'entente internationale se prononce pour le droit au retour sur sa terre pour le peuple palestinien".

 

Fin août 1993, est annoncé que le gouvernement israélien et la direction de l'OLP vont signer une "Déclaration de principe sur des arrangements intérimaires d'autonomie". Cette déclaration revient à la reconnaissance officielle de la tutelle israélienne sur la Cisjordanie, la bande de Gaza et les Palestiniens qui y habitent. Elle signifie que la direction de l'OLP accepte l'expropriation générale des Palestiniens par l'Etat d'Israël et l'expulsion de la majorité d'entre eux de leur propre pays. Elle conforte cet agent et ce bastion de l'impérialisme américain qu'est l'Etat d'Israël. En conséquence de cette déclaration, l'OLP devient un agent du maintien de l'ordre israélien, de la répression israélienne, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, l'armée israélienne restant en arrière-plan.

 

Mais l'EIT et le PT n'ont rien dit, n'ont rien à dire sur cette déclaration et les accords entre la direction de l'OLP et le gouvernement israélien. En politique, comme en bien d'autres choses, qui ne dit mot consent. Seuls deux articles sur ce sujet sont parus dans la presse du PT, en tribune libre (ce qui souligne d'autant plus le silence complice de l'EIT et du PT). Ils sont signés, l'un par Miguel Cristobal, l'autre par François Forgue. Le premier se termine sur une conclusion pacifico-démocratico-geignarde ("Informations ouvrières" n°94). L'autre met sur le même plan les "communautés juive et arabe" ("IO" n°95). Malheureusement, la prétendue "composante juive" est étroitement liée et dépendante du maintien de l'Etat d'Israël. Pour l'essentiel, elle n'a pu s'installer en Palestine que sous sa protection, et à partir de l'expropriation et de l'expulsion des masses palestiniennes. Ces dernières ne peuvent récupérer leur pays , se réapproprier leurs terres et ses richesses, qu'en détruisant l'Etat d'Israël avec toutes les conséquences qui en découlent.


 

LES FOSSOYEURS DE LA IVe INTERNATIONALE

 


Faut-il reproclamer la IVe Internationale ?" S'il s'agit de la IVe Internationale fondée par Trotsky, la question ne se pose plus. Le révisionnisme, comme un cancer, s'y est développé sous différentes formes, pendant plusieurs décennies et l'a tuée : le révisionnisme style Pablo-Mandel, le révisionnisme style Healy, le révisionnisme style Moreno, et finalement le révisionnisme style Lambert.

 

Longtemps après la liquidation du Comité International, sous l'impulsion de l'OCI, le CORQI a incarné la continuité de la IVe Internationale, la possibilité de la reconstruire, bien qu'il ait été, comme l'OCI, teinté d'opportunisme. Cet opportunisme est devenu révisionnisme lorsque la direction du PCI a décidé qu'il fallait construire de toutes pièces, en France, une autre organisation que le PCI, un "Mouvement pour un Parti des Travailleurs". La proclamation du Parti des Travailleurs a été l'acte de décès du PCI. Au contraire de ce qui avait été annoncé par ses initiateurs, la représentativité du PT est des plus réduites. Toute son orientation est déterminée par les rapports de sa direction avec l'appareil de FO. Cette direction du PT est une sorte de conglomérat où dominent les agents de l'appareil FO (sans qu'ils soient nécessairement membres du PT, voir Sandri, qui signe Angelo Geddo). Quant aux militants de l'ex-PCI devenu "Courant communiste internationaliste du PT", ils ont été transformés en coolies politiques.

 

La "stratégie de la conférence ouverte" a été la couverture d'une opération correspondant, à l'échelle internationale, à ce que fut le lancement, sur la "ligne de la démocratie", d'un PT en France. Le fiasco de la combinaison montée avec Moreno (la formation de la "IVe Internationale - Comité international") a complètement déstabilisé le CORQI. La constitution de "IVe Internationale - Centre international de reconstruction" a accentué le cours opportuniste, la substitutions de combines à une politique consciente et patiente de reconstruction de la IVe Internationale. L'aboutissement fut le triomphe du révisionnisme concrétisé par les fameuses conférences de Caracas, de Barcelone et la formation de l'EIT.

 

Dès lors que le PCI et "IVe Internationale - CIR" ont pris les positions qu'ils ont prises au moment de la guerre que, sous la direction de l'impérialisme américain, la coalition impérialiste a menée contre l'Irak et les masses du Moyen-Orient, la preuve était faite : ils n'étaient plus des organisations trotskystes, ils n'étaient plus redressables. Comme seuls le PCI et "IVe Internationale - CIR" pouvaient être considérés comme ayant assuré la continuité de la IVe Internationale que Trotsky avait fondée, celle-ci était morte.

 

Pourquoi, alors, Lambert et sa clique ont-ils "reproclamé" la IVe Internationale ? Une première réponse : c'est le complément de la constitution de l'EIT. Désormais, c'est cette dernière qu'il s'agit de construire. Quant à la "IVe Internationale", elle aurait resurgi de ses cendres, et il n'y aurait donc plus besoin de la reconstruire.

 

Une deuxième réponse découle de la réponse à une autre question. Le 2 août 1914, lorsque ses partis se sont alignés, dans l'union nationale, chacun derrière "sa" bourgeoisie, la IIe Internationale était morte, si l'on considère son contenu. En 1933, lorsque le Parti communiste allemand a capitulé sans combat contre la prise du pouvoir par Hitler, et qu'aucun parti de la IIe Internationale n'a réagi contre cette capitulation (préparée par la "théorie" stalinienne du "social-fascisme"), la preuve était faite : la IIIe Internationale était passée définitivement du côté de l'ordre bourgeois. Telle qu'elle avait été constituée en 1919, elle était morte. Pourtant, les appareils "réformistes" ont maintenu formellement la IIIe Internationale jusqu'à nos jours, et l'appareil stalinien a prolongé formellement la IIe Internationale jusqu'en 1943. Pourquoi ? Parce que les appareils réformiste et stalinien avaient besoin d'apparaître, aux yeux des militants et des prolétariats, comme perpétuant une tradition politique ouvrière, internationale, historique déterminée. Il en va de même pour Lambert et sa clique : ils n'ont d'existence politique que s'ils se réclament de la IVe Internationale.

 

Après avoir achevé la IVe Internationale fondée par Trotsky, ils affirment la perpétuer et "reproclament" une "IVe Internationale". C'est dans l'ordre des choses.

 

Aujourd'hui, la tâche politique est de construire une Internationale Ouvrière Révolutionnaire et ses partis, sur les fondements véritables, théoriques et politiques, de la IVe Internationale constituée par Léon Trotsky. Là est la continuité de ce que fut cette internationale.

 

Le 21 octobre 1993


 

 

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